Leur famille est riche à craquer, mais ils ne pourront pas en bénéficier s'ils continuent de chercher refuge à Montréal. La Cour fédérale vient d'avaliser de nouveau le blocage des fonds de la femme et des enfants d'un oligarque en cavale de l'ancienne dictature tunisienne, de peur qu'ils ne blanchissent au Québec l'argent volé au peuple de Tunisie.

La fortune souriait à Belhassen Trabelsi lorsque son beau-frère Zine el-Abidine Ben Ali dirigeait la Tunisie, avant la révolution de 2011. Trabelsi avait amassé une fortune par toutes sortes de trafics sous la dictature grâce à ses liens familiaux.

« Belhassen Trabelsi est considéré comme le membre le plus célèbre et le plus corrompu de la famille. Il représente tout ce que les Tunisiens détestent chez les Trabelsi », avait résumé l'ambassadeur des États-Unis William Hudson, dans un câble diplomatique écrit en 2006 et dévoilé depuis par WikiLeaks.

Lorsque le régime a été renversé en 2011, Trabelsi s'est enfui à Montréal avec sa femme et ses quatre enfants.

Sa demande d'asile a été refusée, car les autorités avaient des raisons sérieuses de croire qu'il s'était livré à de vastes fraudes et à du blanchiment d'argent en Tunisie pendant le règne de son beau-frère.

« Il n'est pas sans intérêts de mentionner d'emblée que les motifs de la décision [de refuser l'asile] font état de malversations caractérisées par l'utilisation de prête-noms et d'entreprises coquilles permettant au clan Trabelsi/Ben Ali d'empocher de colossales sommes d'argent », rappelle la juge de la Cour fédérale Martine St-Louis, dans une décision sur le blocage des fonds familiaux rendue juste avant Noël.

PAS DE COMPTE EN BANQUE, PAS DE TRANSACTIONS

Trabelsi a disparu dans la nature avant d'être expulsé du Canada et demeure introuvable depuis. Sa femme et ses enfants, de leur côté, ont été accueillis comme réfugiés, car ils risquaient d'être persécutés dans leur pays sur la base de leurs liens familiaux.

Mais pour Ottawa, il n'était pas question de les laisser jouir impunément ici des sommes qui avaient été détournées par leur famille sous la dictature. Les noms de la dame et de ses enfants ont donc été ajoutés à une liste « d'étrangers politiquement vulnérables » dont les biens sont bloqués. Impossible pour eux de mener des transactions financières ou d'ouvrir un compte en banque.

La famille a contesté cette décision, d'abord en s'adressant directement au gouvernement canadien, puis à la Cour fédérale. Sans succès.

La famille affirmait avoir du mal à subvenir à ses besoins de base et à se trouver un emploi.

Elle disait aussi ressentir « une souffrance extrême causée par le stress et de la détresse psychologique ». Elle déplorait finalement « l'humiliation d'être traités de corrompus sans aucun fondement ».

Avant de rendre sa décision, le gouvernement canadien a consulté les autorités tunisiennes, qui ont spécifiquement demandé que les avoirs de la femme et des enfants de M. Trabelsi demeurent gelés. Tunis affirmait que les liens familiaux entre ceux-ci et l'ancien oligarque n'ont pas été rompus, et que les membres de la famille ont injustement profité de leur relation avec l'ancien dictateur Ben Ali.

Selon la preuve déposée en cour, la Tunisie a même averti Ottawa que le déblocage des avoirs de la famille nuirait aux relations bilatérales entre les deux pays.