Le chef de train Thomas Harding a joué un rôle significatif dans la mort des 47 victimes de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic, parce qu'il n'a pas appliqué suffisamment de freins sur le convoi - soit juste la moitié de ce qui était requis - et qu'il n'a pas effectué de tests sur ceux-ci avant de quitter pour la nuit, a plaidé l'un des procureurs de la Couronne, mercredi matin.

Le train de 72 wagons de pétrole brut, laissé sans surveillance en haut d'une pente à Nantes, l'a ensuite dévalée, déraillant et explosant à Lac-Mégantic le 6 juillet 2013.

Quant aux deux autres anciens employés de l'entreprise ferroviaire Montreal Maine & Atlantique (MMA), le contrôleur Richard Labrie et le directeur de l'exploitation de la MMA au Québec, Jean Demaître, ils avaient la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour éviter des blessures et des pertes de vie. Une tâche à laquelle ils ont tous les deux failli par de nombreuses omissions, a plaidé Me Sacha Blais.

Les trois hommes sont accusés de négligence criminelle et ont plaidé non coupables.

Le procureur de la Couronne a clos mercredi matin sa plaidoirie au palais de justice de Sherbrooke, où se déroule le procès criminel depuis le début du mois d'octobre.

Le procès devant le jury de 14 personnes est présidé par le juge Gaétan Dumas, de la Cour supérieure.

Les plaidoiries des accusés vont débuter jeudi matin.

Dans sa plaidoirie, le procureur de la Couronne a tenté de convaincre le jury - 10 hommes et quatre femmes - que sans les agissements de M. Harding ce soir-là, l'explosion catastrophique du train de pétrole brut qui a dévalé la pente entre les villes de Nantes et de Lac-Mégantic le 6 juillet ne se serait jamais produite. Il a fait preuve d'insouciance et de mépris envers la sécurité de la population, juge-t-il.

La conduite d'un train de 10 000 tonnes est une activité qui comporte certains dangers, a déclaré Me Blais. Et les employés sur le terrain sont les derniers remparts pour la sécurité des gens.

Il y a des règles à suivre, consignées dans des documents, lorsqu'un train sera laissé sans surveillance: celles-ci prévoient le nombre de freins à main minimum qui doivent être appliqués et que des tests doivent être faits sur les freins pour s'assurer qu'ils soient efficaces. Un train laissé en haut d'une pente demande un nombre plus élevé de freins. Le personnel ne doit pas non plus se fier aux freins pneumatiques, a aussi expliqué le procureur.

«Ces textes sont clairs», a tranché Me Blais, qui a plaidé en anglais et en français. Et ils ne sont pas compliqués, a-t-il ajouté.

«Si Thomas Harding ne fait pas son travail de façon sécuritaire à Nantes (là où le train était arrêté la veille du drame), qui le fera?», a demandé le procureur.

Même après une intervention des pompiers pour un incendie s'étant déclaré dans la locomotive de tête, la veille du drame, l'entreprise ferroviaire n'a pas jugé bon d'envoyer l'un de ses employés sur place pour s'assurer que tout était sécuritaire, a fait valoir Me Blais.

Il a ainsi insisté sur le fait que M. Labrie aurait pu poser des questions pour s'assurer que le train était adéquatement immobilisé ou qu'il aurait pu demander à Thomas Harding de retourner sur les lieux pour inspecter la locomotive. Mais qu'il n'a rien fait de la sorte.

«Celui qui pouvait vérifier le travail de Thomas Harding, c'était lui», a-t-il dit à propos de M. Labrie.

Avisé de l'incendie de la locomotive par M. Labrie, M. Demaître n'a pas posé de questions non plus sur le nombre de freins appliqués ni s'ils avaient été testés, a ajouté le procureur de la Couronne.

Quelques dizaines de personnes assistaient aux plaidoiries mercredi matin.

Les trois accusés n'ont pas fait venir de témoins à la barre et n'ont pas non plus témoigné.