Un père de famille hyper contrôlant qui refuse que sa fille prenne l'autobus ou ne parle à un garçon. Un père qui traite sa fille de tous les noms et intimide sa famille. C'est ainsi que Dania Nehme a dépeint son père lundi matin au procès pour meurtre prémédité d'Ahmad Nehme, accusé d'avoir poignardé sa femme Catherine de Boucherville dans la résidence familiale en 2012.

«Ça allait vraiment mal... c'était comme l'enfer sur terre!», a témoigné la femme de 21 ans, en pleurant. «Il nous contrôlait, nous manipulait, il nous intimidait, c'était tellement rare qu'il y ait une journée où je ne pleurais pas. Il a commencé à m'insulter quand j'avais 5 ans», a-t-elle lancé, la voix brisée.

Alors qu'elle était âgée de 13 ans, son père a découvert qu'elle parlait avec des garçons à l'école musulmane qu'elle fréquentait à Montréal. Sa réaction a été aussi forte qu'immédiate. «Il nous a isolé, il a coupé internet, le câble de la télévision, il a confisqué mon cellulaire, mon laptop et mon iPod. Il a aussi coupé le téléphone de la maison. Nous n'avions pas le droit de sortir, à part pour aller à l'école, mon frère, ma mère et moi», a raconté la jeune femme qui témoigne dans une autre salle.

À sa graduation du secondaire, à l'âge précoce de 15 ans, Dania Nehme a participé à une fête avec des amis avec l'accord de sa mère, mais sans en parler avec son père. Ce dernier, furieux, a saccagé la chambre de sa fille en renversant tous les meubles. Il l'a ensuite traité de «rat», de «pute» et de «salope». «Il disait qu'il allait me jeter à la rue et m'enlever mon nom de famille», a-t-elle sangloté. Son père était si fâché qu'il se donnait de puissantes claques au visage pour lui signifier toute sa douleur et sa honte, a-t-elle expliqué. 

Après cet incident en juin 2011, un an avant la mort de Catherine de Boucherville, Ahmad Nehme a de nouveau coupé toutes les connexions internet dans la résidence et a confisqué tous les appareils électroniques de sa fille. Elle n'avait plus le droit de sortir, sauf pour aller au cégep. «Tu me fais honte, tu m'as manqué de respect», lui avait-il alors dit.

Selon la thèse de la Couronne, le couple de l'accusé «battait de l'aile» à l'été 2012. Jaloux, Ahmad Nehme reprochait à sa femme de lui être infidèle. Le couple ensemble depuis près de 20 ans faisait dorénavant chambre à part. La nuit avant le meurtre, le 5 juillet 2012 l'accusé n'avait pas dormi à la maison. Le matin, il est rentré dans la résidence de l'arrondissement de LaSalle et a poignardé sa femme dans la salle de bain. Les deux enfants, dont le fils autiste du couple, se trouvaient dans la résidence.

Le témoignage de la jeune femme se poursuit cet après-midi.