Sylvie Berthiaume, cette mère de famille québécoise qui vit en France dont le fils a été assassiné à Montréal en 2013, a réussi à amasser l'argent nécessaire pour faire le voyage et assister au procès du présumé meurtrier de son fils.

À l'ouverture du procès mardi matin au palais de justice de Montréal, la mère de famille de 52 ans s'est assise dans la salle de cour de sorte à avoir une vue sur le box des accusés.

Lorsque Altamond Jr Little, assis dans le box, s'est levé pour plaider non coupable aux deux chefs d'accusation de meurtre non prémédité qui pèsent contre lui, Mme Berthiaume a eu de la difficulté à réprimer ses sanglots.

Malgré ses moyens modestes, la mère de famille québécoise qui réside en France tenait à faire le voyage pour obtenir des réponses à ses questions.

Mardi matin, Mme Berthiaume a obtenu un début de réponse.

C'est la jalousie qui aurait poussé M. Little à tuer son ancienne conjointe, Marjorie Dammier, d'une balle dans la tête, puis à poignarder à mort le nouveau conjoint de celle-ci, Maxime Calado Berthiaume.

C'est du moins la théorie que la couronne a exposée au jury mardi matin à l'ouverture du procès.

À l'hiver 2012-2013, Marjorie Dammier a quitté M. Little après avoir été en couple avec lui une dizaine d'années. Leur relation était « en montagnes russes », « orageuse », empreinte de « jalousie », a décrit le procureur de la Couronne, David Simon. Au fil des ans, la jeune femme a été victime d'« abus psychologiques et physiques », a expliqué la poursuite.

Or, M. Little n'acceptait pas la rupture. L'accusé voulait « désespérément » reprendre avec elle. 

La jeune femme dans la vingtaine s'est rapidement remise en couple avec un autre homme - Maxime Calado Berthiaume -, mais elle n'avait pas « complètement refermé la porte » à reprendre avec M. Little, toujours selon la poursuite.

L'accusé et la victime ont eu deux enfants ensemble, dont ni un ni l'autre n'avait la garde au moment des crimes en raison du climat de violence qui régnait dans la famille.

Le 8 octobre 2013, vers 17h35, Little est entré dans l'immeuble à logements de l'arrondissement de LaSalle où il résidait jadis avec Mme Dammier - et où vivait toujours cette dernière -, selon des images captées par un système de vidéosurveillance.

Mme Dammier et son nouveau conjoint, eux, entrent à leur tour dans l'immeuble environ trois heures plus tard.

Des voisins qui viendront témoigner au procès ont alors entendu des cris d'une femme comme si quelqu'un tentait de l'étouffer ainsi qu'une altercation entre deux hommes suivis d'un grand « bang ».

Lors de l'altercation, l'un des hommes aurait dit, toujours selon un témoin: « C'est ma femme. Je peux faire ce que je veux ».

À l'arrivée des secours ce soir-là, Mme Dammier et M. Calado Berthiaume gisaient sur le plancher de la cuisine, baignant dans leur sang. La jeune femme était déjà morte. M. Calado Berthiaume, lui, est mort cette nuit-là à l'hôpital. 

Quant à M. Little, il n'était plus sur les lieux.

Une arme à feu tronçonnée a été retrouvée près du corps de M. Calado Berthiaume. Le couteau, lui, n'a jamais été retrouvé.

À 22h09, un homme vêtu d'un manteau noir qui se cachait le visage à l'aide d'un capuchon est sorti de l'immeuble par la sortie de secours, toujours selon les images de vidéosurveillance.  La poursuite allègue qu'il s'agit de M. Little.

À son arrestation, l'accusé portait un manteau identique à celui vu sur les images de vidéosurveillance ainsi qu'un chandail taché de sang. Des analyses ont révélé qu'il s'agissait du sang de M. Calado Berthiaume, a fait valoir la couronne dans sa déclaration d'ouverture.

La poursuite a servi cette mise en garde au jury : « Ce n'est pas de la fiction. Certains faits peuvent être difficiles à entendre, des images peuvent être difficiles à regarder ».

On aurait pu entendre une mouche volée lorsque la couronne a résumé de la preuve qu'elle entend présenter au procès. En plus de Mme Berthiaume, des proches de Mme Dammier assistent aussi au procès.

La semaine dernière, Mme Berthiaume avait confié à La Presse à quel point assister aux audiences était à la fois vital, mais éprouvant pour elle.

Mme Berthiaume avait été prise de court puisque le procès - d'abord prévu en janvier 2018 - a été devancé d'un an, vraisemblablement pour respecter les délais imposés par l'arrêt Jordan. Elle a dû lancer une campagne de sociofinancement pour réunir la somme nécessaire pour payer son voyage.  

Entre-temps, une intervenante du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels lui a annoncé que ses billets d'avion allaient lui être remboursés par l'État. Sa campagne lui a permis d'amasser un peu plus de 700 euros qui lui serviront à payer ses frais de transport et ses repas durant son séjour au Québec.

Le procès qui se déroule devant jury doit durer huit semaines. L'accusé est défendu par Me Peter George-Louis.