Une mère de famille québécoise qui vit en France remue ciel et terre pour venir assister au procès de celui qu'on accuse d'avoir tué son fils. Le procès doit s'ouvrir la semaine prochaine à Montréal.

Sylvie Berthiaume a été prise de court puisque le procès - d'abord prévu en janvier 2018 - a été devancé d'un an, vraisemblablement pour respecter les délais imposés par l'arrêt Jordan (voir la capsule au bas du texte).

La mère de famille aux moyens modestes estimait avoir le temps de trouver les fonds nécessaires pour financer son voyage au Québec si le procès se tenait comme prévu l'an prochain.

« Il est vital pour moi d'assister à ce procès. Ça ne me rendra pas mon fils, mais j'aurais des réponses et des images à mettre sur mes interrogations, non pas pour comprendre, car on ne peut comprendre de tels actes, mais pour peut-être m'aider à aller de l'avant », raconte , des sanglots dans la voix, la femme de 52 ans, jointe au téléphone chez elle, à Dax en France.

Son fils, Maxime Calado Berthiaume, 30 ans, et sa conjointe Marjorie Dammier, 29 ans, ont été tués dans un logement de LaSalle le 8 octobre 2013. Un homme de 46 ans, Altamond Jr Little, décrit dans les médias à l'époque comme l'ex-conjoint de la jeune femme, est accusé du double meurtre.

Le lendemain du drame, Mme Berthiaume, qui vivait déjà en France à l'époque, a reçu un message sur sa boîte vocale. Sa mère lui demandait de la rappeler d'urgence. Lorsqu'elle a donné suite à son appel, c'est le père de son fils - avec qui elle n'est plus en couple depuis longtemps - qui a répondu. « Ce n'est pas normal qu'il soit chez ma mère », s'est-elle dit alors.

Mme Berthiaume s'est immédiatement doutée qu'il était arrivé quelque chose de grave à Maxime.

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Altamond Jr Little

Dès la semaine suivante, Mme Berthiaume devait justement se rendre à Montréal pour visiter son fils et rencontrer la nouvelle conjointe de ce dernier. Les billets d'avion étaient achetés. Au lieu de cela, elle a assisté à ses funérailles.

« Depuis cet appel, je n'ai plus de vie. J'ai un hurlement de douleur coincé dans la poitrine », dit la mère endeuillée. Mme Berthiaume a sombré dans une dépression profonde qui a duré un an. Elle a perdu son emploi. Elle a tenté de rebondir, en suivant une formation de couturière, mais toutes sortes de maux physiques - apparus depuis l'assassinat - l'empêchent encore aujourd'hui de travailler.

CAMPAGNE DE SOCIOFINANCEMENT

Puisque le procès de l'accusé a été devancé, Mme Berthiaume s'est résolue à demander de l'aide pour financer son voyage au Québec.

En désespoir de cause, elle a lancé il y a environ une semaine une campagne de sociofinancement « GoFundMe », avec laquelle elle n'a pas récolté un sou jusqu'à présent. Entre-temps, une intervenante du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels lui a annoncé une bonne nouvelle : ses billets d'avion allaient lui être remboursés par l'État.

Comme la maman éplorée n'a pas les moyens de résider à l'hôtel, elle séjournera chez ses parents à Saint-Jean-sur-Richelieu. Elle ne sait toujours pas avec quel argent elle paiera les titres de transport en commun qui lui permettront de faire l'aller-retour quotidien entre la Rive-Sud et le palais de justice de Montréal.

Alors que la date du procès approche, Mme Berthiaume affirme être « tétanisée ». Elle a toutefois espoir de retrouver « un semblant de vie normale » lorsque le processus judiciaire sera derrière elle. Faute de moyens, son conjoint restera en France et ne pourra donc pas l'accompagner dans cette épreuve.

« Je sais que ça va être dur, mais j'ai besoin d'y assister. C'est viscéral », laisse-t-elle tomber avant de se remettre à pleurer.

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QU'EST-CE QUE L'ARRÊT JORDAN ?


Cette décision de la Cour suprême rendue l'été dernier a eu l'effet d'un électrochoc sur le système judiciaire en venant resserrer les délais pour être jugé. Cette décision impose désormais à la poursuite un délai de 30 mois pour une cause devant jury, sauf « circonstances exceptionnelles ».