L'entraîneur de ski Bertrand Charest était « populaire, avait un charisme exceptionnel et une immaturité que les jeunes aimaient beaucoup », mais c'était aussi un homme « contrôlant », a raconté une autre victime alléguée, jeudi matin, au procès de l'homme de 51 ans, qui se déroule depuis la semaine dernière, à Saint-Jérôme.

« Il faisait des jokes, il agaçait. Il disait qu'on agace seulement ceux qu'on aime », a raconté Mia (nom fictif), qui témoignait depuis les États-Unis, par le biais de la vidéoconférence. Mais ces agaceries pouvaient aussi consister à du « touchage » ou des claques sur les fesses, et même du « mordage » de fesses. Mia se rappelle avoir eu un bleu sur une fesse, après que M. Charest l'a mordue. 

« Si on se choquait, il disait : grandis un peu. » M. Charest voulait tout savoir de ses athlètes. Mia a raconté qu'il lui avait demandé la grandeur de son soutien-gorge, si elle était vierge, ce qu'elle avait fait sexuellement avec son copain. Elle avait le béguin pour un jeune skieur, mais il ne voulait pas qu'elle le fréquente. Il disait qu'il fallait se concentrer sur le ski. 

M. Charest est devenu l'entraîneur de Mia au début des années 90, sur la division Laurentienne. Elle se souvient de son premier voyage d'entraînement de ski, en France, avec d'autres jeunes skieurs. Ils étaient accompagnés par deux coachs, dont M. Charest. Elle a fêté ses 15 ans pendant ce voyage : « Dans un bar, les coachs payaient les verres. Tout le monde a bu, au point d'être intoxiqué », a-t-elle raconté, en signalant que les coachs représentaient leurs parents à l'autre bout du monde et qu'ils étaient censés les protéger.

Comme plusieurs autres témoins avant elle, Mia a parlé de la formidable emprise que M. Charest avait sur ses athlètes et de la manipulation qu'il exerçait. Avec le recul, Mia évalue qu'il voulait avoir le contrôle total : « Il nous montait une contre l'autre, faisait des comparaisons. Il me disait que je manquais de caractère, que je n'irais pas loin dans la vie avec juste des belles fesses et des belles jambes. Son exemple de perfection c'était l'autre (Zoé.) On était toutes dépendantes de lui, il avait le contrôle sur tous les aspects de notre vie. »

Mia a aussi expliqué qu'elle avait peur de décevoir M. Charest. « Sa déception devenait plus importante que la mienne. Toute mon identité, mon centre de réussite, dépendait de ce qu'il allait me dire. Il était affectueux lors d'une bonne course, mais si j'en avais une mauvaise, j'avais peur de sa réaction. Pour une fille de 15 ans, c'est très important. »

Mia se souvient des câlins qu'il lui donnait après de bonnes courses. « Trop près, trop longs, ce qui la rendait inconfortable », dit-elle. Si elle reculait, il en était blessé, et ne la « coachait » plus pendant un temps. Il lui disait que si elle était bonne, c'était grâce à lui. 

Ingrate

À un certain moment, Mia est partie pour les États-Unis. Selon son témoignage, M. Charest l'a traitée d'ingrate, lui a dit qu'elle n'était rien sans lui. Ce qui s'est pour ainsi dire concrétisé au point de vue du ski. 

« Ça a été le début de la fin de ma carrière de ski. Je n'arrivais pas à performer. J'avais l'impression que c'est parce qu'il ne me brassait pas la cage. Je m'ennuyais, car je n'avais plus cette présence contrôlante sur moi. » Elle lui a écrit pour lui dire qu'elle avait été « conne de ne pas être restée sur l'équipe. »

À l'été 96, Mia est allée voir M. Charest chez lui. Ils ont longuement discuté. Au moment de repartir, il a tenté de l'embrasser et elle l'a repoussé. Par la suite, elle est restée en contact avec lui, par lettre.  Elle lui confiait des choses sur sa vie. Elle a tout de même été surprise et déçue quand elle a appris qu'il avait eu des relations sexuelles avec certaines de ses athlètes.

Le procès se poursuit vendredi. Rappelons que M. Charest fait face à 57 accusations de nature sexuelle, au sujet de faits qui se seraient produits entre 1990 et 1998, et qui impliquent 12 plaignantes, skieuses de haut niveau. Ces dernières avaient entre 12 et 19 ans.