Bertrand Charest était abasourdi après avoir été arrêté pour agressions sexuelles sur de jeunes skieuses qu'il avait entraînées dans les années 90.

Alors qu'il était interrogé par les enquêteurs, au poste de police, le 6 mars 2015, il a toutefois admis qu'il craignait ce moment depuis 20 ans. « Je n'ai pas de défense, je suis fait. Toute la planète du ski sait que j'étais en amour avec... [deux filles.] J'avais peur que ce couperet-là me revienne. Je comprends que ma vie est finie. » 

Mais il n'y avait pas que deux plaignantes, il y en avait au moins quatre, lui ont expliqué les enquêteurs. D'autres allaient s'ajouter par la suite. M. Charest n'arrivait quand même pas à croire qu'on allait l'accuser d'agressions sexuelles. « C'est la pire bête sur terre, je ne peux pas croire qu'on va coller ce mot-là après moi », a-t-il dit. M. Charest a raconté qu'il connaissait 10 coachs à qui c'était arrivé, en France, et ils n'avaient pas eu de conséquences. 

« C'est un sport qui est mal fait pour ça. On part des années avec des athlètes. Tu n'es jamais chez toi, tu es parti 267 jours par année.Tu as 30 ans, pas trop de boutons, tu coaches des athlètes à tous les jours, tu manges ensemble, tu es le seul adulte, tu arrives en Allemagne où tout est allemand, tu joues aux cartes... C'est une microsociété totalement fermée. Trois coachs avec 15 filles, il se peut que des amours se créent », a-t-il dit. Il a affirmé qu'il n'avait jamais rien fait sans le consentement des filles.

DOUZE ANS !

Les enquêteurs lui ont énuméré des choses que les plaignantes avaient racontées, dont le fait que l'une avait 12 ans au début. M. Charest était outré. « Douze ans ! Calvaire pourquoi t'as dit ça », a-t-il lancé en laissant entendre que c'était impossible. L'enquêteur lui a dit que la plaignante avait raconté qu'à 12 ans, il lui « poignait les fesses » pendant des joutes de soccer. Et à 14 ans, il y avait eu relations complètes.

Une plaignante racontait que M. Charest la manipulait pour avoir du sexe. « Si elle refusait, tu disais que tu ne voulais plus la coacher et elle se retrouvait sans entraîneur. Donc, elle se sentait obligée. » 

M. Charest ne savait pas trop quoi faire, parler ou garder le silence, comme un avocat le lui avait conseillé. Il ne voulait pas se mettre les pieds dans les plats. 

« Je suis trop sous le choc en ce moment, ma mémoire fait des free games. »

- L'ex-entraîneur Bertrand Charest

M. Charest entraînait les skieurs de l'équipe junior canadienne. Il a été retiré en 1998, en raison des allégations d'agressions sexuelles à l'endroit de jeunes skieuses. Il dit qu'après, il a changé de vie pour le mieux. « La plus belle chose qui me soit arrivée, c'est de sortir du ski. » 

Les plaignantes le présentaient comme quelqu'un de très directif, de rude et de manipulateur. Il a expliqué que pour lui, la question était de savoir : veux-tu t'amuser ou tu veux aller à la Coupe du monde ? M. Charest a fait valoir ses talents d'entraîneur, il s'est présenté comme le Wayne Gretzky des coachs. Il a parlé de lettres d'amour qu'il avait reçues, et qu'il gardait dans une boîte à souliers.

CONSENTEMENT

Outre la jeune fille qui avait 12 ans, les autres plaignantes avaient entre 14 et 19 ans. À l'époque, l'âge légal pour consentir à des relations sexuelles était de 14 ans. Ç'a été changé pour 16 ans il y a quelques années. Lors de l'interrogatoire, l'enquêteur a inversé les âges. Quoi qu'il en soit, il a dit à M. Charest que, question d'âge, ce n'était pas si loin, et que ça aurait pu passer dans un autre dossier, « s'il n'avait pas été en position d'autorité ».

Le procès reprendra lundi. Rappelons que M. Charest est détenu depuis deux ans, soit depuis son arrestation. Il est jugé sous 57 accusations à connotations sexuelles et en position d'autorité, liées à 12 plaignantes. Trois d'entre elles ont témoigné jusqu'à maintenant. Elles ont présenté M. Charest comme un très bon coach, mais un manipulateur qui les montait une contre l'autre.