Après lui avoir dit que sa descente à ski avait été «de la marde», l'avoir fait sentir «comme une moins que rien», Bertrand Charest pouvait lui dire des « petites phrases» qui faisaient remonter son estime en elle. Cette relation en montagnes russes est devenue sexuelle au bout de quelques mois.

C'est ce que Chantal (nom fictif) a raconté ce matin, au procès de l'ex-entraîneur de ski Bertrand Charest. L'homme de 51 ans fait face à 57 accusations à connotation sexuelle, à l'égard de 12 victimes alléguées.

Le procès a commencé par un voir-dire ce matin, sorte de procès dans un procès, parce que la Couronne veut faire une preuve de faits similaires. Dans le cas de Chantal, qui avait été sélectionnée sur l'équipe nationale junior de ski, les faits seraient survenus à plusieurs reprises pendant deux ans, vers la fin des années 90, à différents endroits du Canada, mais aussi en Nouvelle-Zélande, en France et ailleurs, où se tenaient des camps d'entraînement. C'est arrivé alors qu'elle était âgée de 17 à 19 ans. M. Charest, lui, avait 31 ans au début. 

L'interrogatoire s'est déroulé de manière assez laborieuse au début. Me Marie-Nathalie Tremblay devait insister pour obtenir des réponses plus précises comme des endroits, des périodes, des gestes. Chantal a dit que ça avait commencé par un bec sur la bouche, après être descendus d'une chaise de remonte-pente, pour passer aux caresses aux seins et aux fesses, sur les pentes, pour finir par des masturbations et relations complètes dans des chambres ou une camionnette. 

Chantal admet qu'elle se sentait amoureuse de son entraîneur. «Au début, je le sentais plus affectueux, plus présent», a-t-elle dit, en faisant allusion à l'impact de leurs relations. Elle dit qu'elle sentait toutefois que ce n'était «pas correct», ce qui se passait. Tout se passait bien sûr en cachette, à la sauvette. «C'était expéditif, rapide», parce qu'ils risquaient toujours de se faire prendre par les autres. Dans les camps d'entraînement, tout le monde vit ensemble quotidiennement, dans un hôtel ou une maison. Elle ne peut se souvenir de tout, dit-elle. 

Elle se souvient cependant d'avoir eu une relation sexuelle avec M. Charest dans la toilette d'un avion, alors que des gens essayaient d'y aller.

En septembre 1997, elle a commencé à être assez malade, dit-elle. Elle vomissait, avait des palpitations et des maux partout. Elle manquait beaucoup de journées d'entraînement. M. Charest l'a amenée à la clinique de son père (médecin), pour faire un bilan sanguin. Elle est aussi allée à l'hôpital en Alberta. On ne trouvait jamais ce qu'elle avait.

«Avec le recul, je pense que mes problèmes étaient dus à la manipulation. Il a ri de moi, a descendu mon estime de moi», a-t-elle relaté. Elle pense qu'elle a été malade à cause du sentiment de honte et de culpabilité, affirme qu'elle n'avait plus de passion, n'avait plus son sourire contagieux. Elle était devenue stressée, renfermée et anorexique. Charest lui disait qu'elle devait perdre du poids. Devant tout le monde, il lui disait de ne pas manger de dessert ni de frites. Chantal dit qu'elle en était réduite à se faire vomir. 

Vers la fin 1998, lors de championnats du monde, Chantal a appris que M. Charest était avec d'autres filles en même temps qu'elle. Elle s'est écroulée. Une autre fille est allée confronter M. Charest. Chantal est allée voir l'autre entraîneur. «J'ai dit deux phrases et je me suis écroulée par terre. Le lendemain, quelqu'un de l'équipe canadienne est venu en catastrophe, et M. Charest a été relocalisé ailleurs». Selon elle, M. Charest montait les filles les unes contre les autres. 

Selon elle, avec M. Charest, le climat dans l'équipe était «très punitif, fermé et contrôlé».

Le procès se poursuit, au palais de justice de Saint-Jérôme.