Estimant qu'il n'y a pas de preuve suffisante pour soutenir les accusations de fraude, de vol et d'abus de confiance, Me Pierre Dupras a demandé le rejet de ces trois accusations qui visent son client, Jean Audette, ex-directeur général adjoint aux enquêtes à la Sûreté du Québec (SQ).

Me Dupras a demandé ce non-lieu en fin de matinée, hier, une fois que la Couronne a déclaré sa preuve close. Selon l'avocat, la preuve présentée par la Couronne ne respecte pas les critères nécessaires pour trois des cinq accusations. Il n'a pas dit un mot au sujet des deux autres accusations, qui ont trait à l'usage de faux documents.

La faute alléguée

Le ministère public reproche à M. Audette d'avoir autorisé qu'un consultant de la SQ, Denis Despelteau, négociateur au Comité paritaire, soit rémunéré par le fonds des dépenses secrètes d'opération (DSO) plutôt que par la voie habituelle. Cette méthode a été utilisée pour contourner un nouveau règlement qui empêchait M. Despelteau d'obtenir des contrats du gouvernement parce qu'il devait de l'argent au fisc. Les accusations contre M. Audette visent la période comprise entre le 1er mai 2011 et le 1er novembre 2012.

Motifs du non-lieu

Me Dupras a invoqué des motifs à l'appui de sa demande. En résumé, les voici : 

1. La fraude: pour établir la fraude, il faut une preuve de mensonge ou autre moyen dolosif. Il doit y avoir un risque de privation économique. «L'intérêt économique de la SQ n'a pas été mis en péril, a-t-il dit. Il manque cet élément essentiel. La preuve est à l'effet que tout le monde à la haute direction voulait que M. Despelteau continue de travailler.» Selon Me Dupras, il n'y a pas de preuve de surfacturation. M. Despelteau a dit qu'il avait travaillé plus que les heures facturées.

2. Le vol: pour établir le vol, il faut que la personne détourne des fonds dans l'intention de priver, et que ce soit fait frauduleusement et sans apparence de droit. Il n'y a pas eu de vol, puisque la dette envers M. Despelteau était véritable.

3. L'abus de confiance: pour établir qu'il y a eu abus de confiance, il faut un écart grave et marqué par rapport aux normes. Il n'y a pas de preuve que M. Audette a utilisé ses fonctions pour des fins autres que l'intérêt public. Tous les efforts étaient faits pour retenir M. Despelteau, qui était «le pivot des négociations».

Me Dupras a aussi insisté sur le fait que les DSO ne disposaient pas d'un budget particulier, et qu'en conséquence, l'argent provenait du même endroit. Mario Laprise a lui-même admis qu'il avait toujours pensé que les DSO avaient un budget à part. Ce n'est que lorsqu'il a été directeur général qu'il a réalisé que ce n'était pas le cas.

La Couronne répondra à ces arguments ce matin. Elle tentera de convaincre le juge Thierry Nadon que les trois accusations doivent être maintenues.

Mario Laprise

Le dernier témoin présenté par la Couronne était Mario Laprise, qui a occupé de hautes fonctions à la SQ jusqu'à sa retraite, en 2005. Il avait alors été embauché par Hydro-Québec. En 2012, lors de l'élection du Parti québécois, il a été nommé directeur général de la SQ, poste qu'il a occupé pendant un peu moins de deux ans. C'est pendant son règne que l'affaire des DSO a éclaté. Alerté par un employé de la SQ, M. Laprise avait demandé une enquête au regard de certaines dépenses du fonds qui étaient louches. Dans la foulée, quatre hauts dirigeants ont été accusés. M. Audette est le premier à avoir son procès.

Jean Despelteau

Il a fait carrière à la SQ. Quand il a pris sa retraite, en 1998, il est devenu consultant en relations de travail, et l'est resté jusqu'à ce que la présente affaire éclate, en 2012. Il a plaidé coupable à des accusations d'usage de faux documents et d'abus de confiance, et a écopé 15 mois à purger dans la communauté.