Alors qu'il était en attente de son procès pour meurtre, au centre de détention de Rivière-des-Prairies, John Boulachanis s'est compromis, selon un ancien codétenu qui agit maintenant comme témoin à charge. En plus de payer pour faire intimider un témoin, Boulachanis aurait indirectement avoué son implication.

«Il faisait un peu le big, l'intelligent, l'important, a raconté le témoin en question. On vit dans la même aile (de la prison). Si tu essaies toujours de bonifier tes talents, ça peut devenir irritant. Je lui ai dit: "Tu joues à l'important, mais tu es un esti de cave d'avoir fait un meurtre pour absolument rien." M. Boulachanis m'a répondu: "Oui mais j'étais jeune."

Ce témoin, qu'on ne peut identifier en vertu d'une ordonnance de la Cour, est un voleur au lourd casier judiciaire, qui est toujours en prison. Il risque même d'être déclaré délinquant dangereux, en raison de son parcours criminel. Boulachanis, lui, est jugé par un jury pour le meurtre de Robert Tanguay, abattu et enterré dans un pit à sable de Rigaud, en août 1997. Son cadavre a été découvert quatre ans plus tard. Deux hommes, déjà condamnés pour ce meurtre, ont témoigné à l'effet qu'ils ont agi avec John Boulachanis, et que c'est lui qui avait planifié le crime.  

En ce qui concerne le témoin actuel, il a été contre-interrogé pendant toute la journée de mardi, par l'avocat de l'accusé, Me Marc Labelle. Ce dernier voulait avoir les détails de chacune de ses accusations, ce qui a pris l'avant-midi. «Le 25 octobre 1991, vous avez eu trois mois pour introduction par effraction. Expliquez-nous ce qui est arrivé», a demandé l'avocat. 

Le témoin a cherché dans ses souvenirs pour trouver de quel vol il s'agissait.  «J'en ai fait beaucoup, de vols. C'est comme ça que je vivais», a dit le témoin à un certain moment. Un peu plus tard, le témoin a été questionné sur une accusation d'incendie. Il a raconté que cela s'était passé en prison, lors d'un soulèvement des détenus, la veille de Noël. Grisés par l'alcool frelaté qu'ils avaient bu, les détenus s'étaient révoltés en voyant qu'on leur servait du chop suey pour souper.

«Du chop suez au souper de Noël! Les gars se sont énervés. Ils ont commencé à briser des choses. Moi, j'avais des vêtements très pâles. Je suis monté à ma cellule, il y avait un matelas qui était allumé, je l'ai lancé en bas, le plus loin possible», a-t-il dit. Deux gardiens l'ont vu, ce qui lui a valu l'accusation. Me Labelle trouvait souvent qu'il minimisait son rôle, ce que le témoin a nié.  

Malgré son parcours criminel et ses longues périodes d'incarcération, le témoin s'exprime dans un français impeccable, avec un vocabulaire riche, et de façon calme. Il ne hausse jamais la voix, même dans les moments plus exaspérants. Me Labelle a voulu lui faire admettre qu'il avait tenté d'obtenir des avantages en échange de son témoignage contre Boulachanis. Le témoin soutient au contraire qu'il n'a eu que des désavantages. Il doit constamment changer de prison pour sa sécurité. 

Son contre-interrogatoire se poursuit mercredi.