Après plus d'une semaine de témoignages, le procès de Jean-Claude Savoie, gardien du python qui avait tué deux enfants à Campbellton, au Nouveau-Brunswick, en 2013, se résume maintenant à une question: l'accusé a-t-il fait preuve de négligence criminelle en décidant de ne pas recouvrir la sortie du conduit d'air dans le vivarium du serpent?

La Couronne et la défense ont présenté mardi leurs plaidoiries finales, en Cour du banc de la reine à Campbellton.

La défense a plaidé que ce n'est pas par imprudence ou même par insouciance que Jean-Claude Savoie n'a pas fermé le conduit d'air, mais plutôt parce qu'il croyait que le serpent, vu sa grosseur, ne pourrait s'enfuir par ce tuyau.

En août 2013, le python a réussi à sortir de son vivarium, dans l'animalerie de M. Savoie, et a atteint l'appartement du dessus par le système de ventilation. L'imposant reptile est ensuite tombé du faux plafond dans le séjour où dormaient Connor Barthe, âgé de six ans, et son petit frère Noah, âgé de quatre ans. Les garçons passaient la nuit chez leur ami, fils de l'accusé, comme ils le faisaient souvent. Un pathologiste a révélé jeudi dernier au procès que les deux garçons étaient morts étranglés par le python de Seba.

Ni M. Savoie ni son fils de trois ans, qui dormaient dans d'autres pièces, n'ont été blessés.

Plusieurs témoins ont raconté qu'ils avaient souvent aperçu le couvercle du conduit d'air traînant par terre dans le vivarium. Mais l'avocat de la défense, Leslie Matchim, a rappelé mardi que le serpent avait tenté d'utiliser cette voie un mois avant le drame, et qu'il était resté coincé au milieu, ce qui avait rassuré M. Savoie.

On peut aujourd'hui reconnaître que l'accusé s'est trompé, mais pas qu'il a été négligent, a plaidé Me Matchim. La défense a d'ailleurs rappelé que M. Savoie n'aurait jamais mis en péril sa vie et celle de son propre enfant. Tout, ici, est affaire de prévisibilité, a-t-il plaidé: «des accidents surviennent, mais les responsables ne sont pas toujours coupables de négligence criminelle ayant causé la mort».

Au bout du compte, les onze jurés devront donc déterminer hors de tout doute raisonnable si «cette omission constitue de la négligence criminelle», a résumé M. Matchim.

Protéger les enfants

De son côté, le procureur de la Couronne, Pierre Roussel, a plaidé mardi que M. Savoie avait l'obligation légale de veiller au bien-être de Noah et Connor Barthe cette nuit-là, et qu'il avait «de toute évidence failli à sa tâche».

En résumant la preuve, le procureur a rappelé que l'expert de la poursuite, mais aussi celui de la défense, avaient tous les deux admis que la première chose à faire après la tentative d'évasion d'un serpent, c'est de colmater les brèches. Or, M. Savoie n'a rien fait de tout cela, ce qui démontre, selon la Couronne, un mépris irréfléchi et insouciant pour la sécurité d'autrui. Sa décision de ne pas couvrir l'entrée du conduit d'air constitue effectivement une négligence, conclut Me Roussel.

Plus tôt mardi, la défense avait appelé à la barre son seul témoin, un spécialiste floridien des serpents. En contre-interrogatoire, la Couronne a fait admettre à Eugene Bessette que le «bon sens» aurait exigé de sécuriser le conduit d'air du vivarium à la suite de la précédente tentative d'évasion du python.

Le juge Fred Ferguson a même demandé à M. Bessette d'examiner le tuyau, déposé au tribunal comme pièce à conviction. L'expert a constaté que le tube était flexible et pouvait même s'agrandir sous la pression interne.

Le juge Ferguson livrera ses directives au jury mercredi, avant que les sept femmes et quatre hommes n'amorcent leurs délibérations - une jurée a été remerciée vendredi dernier.