Au procès de Richard Henry Bain, la défense a fait venir lundi à la barre des témoins pour démontrer que l'accusé avait de très bonnes relations avec les francophones dans son entourage et que sa personnalité avait dramatiquement changé lorsqu'il avait pris sa retraite en 2008.

L'homme a été accusé pour la fusillade du 4 septembre 2012 - le soir de l'élection provinciale - au Métropolis à Montréal, là où la chef péquiste Pauline Marois prononçait son discours de victoire.

Il a plaidé non coupable aux six chefs d'accusation déposés contre lui, incluant celui de meurtre prémédité pour la mort du technicien de scène Denis Blanchette. L'homme âgé de 65 ans fait face à trois chefs de tentative de meurtre et est aussi accusé de possession de matériel incendiaire et d'incendie criminel.

Bain présente une défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Son état psychologique avant l'attentat est ainsi crucial à sa défense.

Lundi, la défense a fait entendre quatre témoins, dont le frère aîné de l'accusé.

Richard Henry Bain était le superviseur d'Alain Goyer qui a témoigné que lui-même est francophone, tout comme la majorité des employés de leur usine de cuivre. Il a déclaré qu'il n'y a jamais eu de problèmes ni de tensions entre Richard Bain et les francophones.

Un autre collègue de travail, Hans Pearsson, a confirmé le tout.

«Pour moi il était un employé normal. Il n'a jamais été violent. Il n'a jamais parlé des droits des anglophones», a déclaré l'homme qui s'exprime lui-même en anglais.

Ses relations avec les francophones ont fait l'objet de nombreuses questions de son avocat, Alan Guttman, vraisemblablement parce que le soir de son arrestation, Bain a été filmé criant en français «les Anglais se réveillent» et qu'il avait tenu dans le passé un discours pour la partition de Montréal du reste du Québec.

De plus, l'accusé aurait affirmé à la psychiatre Marie-Frédérique Allard, après son arrestation, que son plan était de tuer le plus de séparatistes possible ainsi que la chef péquiste Pauline Marois. Bain a toutefois indiqué ne pas se souvenir d'avoir prononcé ces paroles.

Interrogé par Me Guttman, M. Goyer a dit que Bain était très humain, qu'il se préoccupait des conditions de travail des employés, les encourageait et avait toujours de bons mots pour eux.

Après sa retraite, il a continué d'entretenir des relations avec son ancien superviseur.

Mais il indique qu'à cette époque, et même un peu avant en 2007, lorsqu'il y a eu un lock-out à l'usine, son attitude a complètement changé.

Il serait devenu impatient, autoritaire, nerveux, moins précis, a témoigné M. Goyer. Même son langage corporel a changé.

Puis après sa retraite, Bain s'est séparé de sa conjointe et a vendu sa maison.

Le témoin a indiqué qu'il trouvait que l'accusé s'inquiétait du virus H1N1 de façon démesurée.

Quant à Roger David, il connaît l'accusé depuis 35 ans parce que ses parents avaient un chalet près de celui de Bain.

Durant toutes ces années, il n'a vu aucun problème entre Bain et son père, ni avec d'autres francophones.

Lui aussi indique qu'il a changé au moment de sa retraite. Notamment, il s'est joint à un groupe religieux et s'est mis à parler de religion, ce qu'il ne faisait pas auparavant.

Et puis quand la crise du H1N1 est arrivée, Bain craignait que cela ne devienne une pandémie. Il a alors acheté 10 bonbonnes de propane de 100 livres et de grosses génératrices, a-t-il relaté. Un autre témoin a souligné qu'il avait aussi entreposé une quantité importante de nourriture non périssable.

Le frère aîné de Richard Bain, Robert, a confirmé les changements observés chez son frère à cette époque.

«Vous ne pouviez plus raisonner avec lui et le faire changer d'avis», a témoigné Robert Bain.

Un jour, devant son comportement inhabituel, il lui a demandé comment il allait. Richard Bain a répondu qu'il se sentait très bien et qu'il prenait des antidépresseurs.

«Il était correct puis, une minute plus tard, il devenait très excitable, très émotif», a-t-il dit.

Richard Bain lui avait parlé de sa vision pour un Montréal indépendant dans l'éventualité où le Québec se séparerait.

Et puis, lorsque sa femme était en attente d'une opération, il a raconté que son frère est venu les voir tous deux à l'hôpital, le jour de l'élection, le 4 septembre 2012.

Il aurait quitté l'hôpital vers 18h30, a relaté le témoin.

Mais avant de partir, Richard Bain a demandé à son frère s'il savait où se trouvait le Métropolis.

«Il était calme, normal», a-t-il dit, ajoutant qu'il n'a pas montré d'hostilité envers les francophones à ce moment, ni envers Pauline Marois.

«Il était ami avec eux. Il a grandi avec eux. Il vivait parmi eux», a souligné Robert Bain.

La défense va faire venir à la barre d'autres témoins mardi, dont la psychiatre Marie-Frédérique Allard.