C'était bien son ami Richard Bain qui était là, aux nouvelles télé, encagoulé, en robe de chambre, escorté par les policiers, et qui criait «les anglais sont réveillés». C'était bien lui qui avait été arrêté, la nuit du 5 septembre 2012, quelques minutes après l'attentat mortel du Metropolis.

«C'était Richard Bain, mais ce n'était pas l'homme que j'avais connu», a raconté Philippe Laberge, mardi, alors qu'il témoignait au procès de Richard Bain. 

M. Laberge connaissait M. Bain depuis cinq ans au moment des événements tragiques de septembre 2012. Ils s'étaient rencontrés pour une affaire de coupe de bois, dans la région de La Conception, et étaient devenus amis par la suite. Au point où, pendant 18 mois, M. Laberge a aidé M. Bain à monter le projet de pourvoirie qu'il voulait faire sur les terres de la Couronne, à La Conception.  

Pendant ces cinq années, M. Laberge a pu constater que M. Bain était un homme généreux, et non violent. Il avait fait une dépression après que sa conjointe des 20 dernières années l'avait laissé. La femme ne voulait pas aller prendre sa retraite à La Conception, où M. Bain avait choisi de s'installer à sa propre retraite, a expliqué M. Laberge.

Moratoire

M. Bain a obtenu le permis commercial pour faire sa pourvoirie de pêche. Mais en raison d'un moratoire, il ne pouvait pas louer les chalets qui se trouvaient sur le site. Il ne pouvait pas non plus obtenir que le lac soit réservé exclusivement à sa pourvoirie. Cela freinait son projet, bien que celui-ci a fonctionné en partie à l'été 2011 et 2012. Il pouvait offrir de la pêche à la journée et des randonnées de cheval, puisqu'il s'était associé avec le Ranch de la Rivière Rouge. Mais il rêvait de plus.

À l'été 2012, avec les élections qui s'en venaient, il craignait que le moratoire soit prolongé en cas de victoire du Parti québécois. 

En voulait-il particulièrement à Pauline Marois, a demandé Me Alan Guttman, avocat de M. Bain?

M. Laberge ne pense pas, mais il se souvient que M. Bain trouvait que «ce n'était pas normal de descendre dans la rue avec des casseroles, pour un premier ministre».

Humeur

M. Bain prenait des antidépresseurs pour stabiliser son humeur depuis 2009 ou 2010, croit M. Laberge. À un certain moment, sa médication a été révisée à la hausse. En 2012, M. Bain est devenu de plus en plus agité et anxieux. Il parlait beaucoup.  

Grippe H1 N1

M. Laberge a aussi parlé de traits particuliers de M. Bain. Quand la crainte d'une épidémie de grippe H1 N1 a fait les manchettes, M. Bain s'est mis à avoir peur. Il a accumulé des provisions et du matériel de survie pour six mois dans le sous-sol d'un chalet. 

«Il disait qu'il n'y aurait plus rien à manger, car les gens n'iraient plus à l'épicerie. Il m'a demandé de faire l'inventaire et voir ce qu'il y avait d'autre à acheter au cas où d'autres personnes se joindraient à lui. Selon moi, il y en avait assez pour quatre personnes pendant six mois», a dit M. Laberge.

M. Laberge a aussi constaté que M. Bain avait des outils et deux boîtes d'armes. «M. Bain m'a dit que tout était légal, qu'il avait tous les documents, et qu'il aimait collectionner les armes.»

Le procès se poursuit mercredi. Rappelons que M. Bain est accusé du meurtre prémédité du technicien de scène Denis Blanchette, et de plusieurs tentatives de meurtres, notamment à l'égard de Dave Courage, qui a été gravement blessé par balle.

Le jury a aussi appris, mardi, que sept mois après son arrestation, soit en avril 2013, deux enregistrements de M. Bain étaient apparus sur son site Facebook. M. Bain disait notamment qu'il était allé au Metropolis pour empêcher Pauline Marois de faire son discours et célébrer sa victoire, mais qu'il n'avait jamais voulu faire de mal à quelqu'un.

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Ce que M. Laberge a dit :

-   «M. Bain était assez en moyens, il était très généreux. Il donnait des milliers de dollars pour les paniers de Noël. Il y avait du monde autour qui lui empruntait et ne lui remettait pas.»

-   L'épouse de M. Laberge avait une maladie mortelle. «M. Bain passait nous voir 4 à 5 fois par semaine pour nous supporter et nous demander s'il pouvait faire quelque chose. Après la mort de mon épouse, il venait me chercher pour m'amener dans la nature.