Le jury chargé de juger Ronald Weinberg, Lino Matteo et John Xanthoudakis pour fraude, faux et usage de faux a entrepris ses délibérations hier matin, au terme d'un procès qui a duré plus de deux ans.

L'exercice s'est donc avéré cinq fois plus long que prévu, ce qui en fait un des plus longs dans les annales judiciaires.

Par mesure de sécurité, 14 jurés avaient été retenus pour le procès, qui s'est ouvert officiellement en mai 2014. Trois se sont désistés en cours de route. Deux pour des raisons de santé et une autre parce qu'elle est tombée enceinte pendant le procès et a accouché, en 2015. Les délibérations ont été entreprises, hier matin, par les 11 jurés restants, soit trois femmes et huit hommes. Aujourd'hui, les délibérations ne dureront qu'une demi-journée, pour une raison qui n'a pas été dévoilée publiquement.

120 millions

En 1997, Cinar, prospère maison de production de films d'animation et éducatifs pour enfants, qu'on voyait comme le Disney québécois, valait 750 millions. L'entreprise était cotée en Bourse depuis quelques années. Mais la découverte d'irrégularités, comme l'affaire des prête-noms, et des manipulations financières allaient faire basculer les choses. Dans le cas qui nous occupe, c'est le transfert de 120 millions de dollars dans des sociétés bidon aux Bahamas qui est en cause. Cela aurait été fait à l'insu du conseil d'administration. Les faits reprochés se seraient déroulés principalement entre 1997 et 2001. La preuve volumineuse et complexe donne lieu à 29 accusations.

En résumé, la Couronne reproche aux trois accusés d'avoir transféré les millions en utilisant des stratagèmes. Hasanain Panju, qui s'occupait des finances à Cinar, a plaidé coupable en janvier 2014, avant le début du procès. Il a écopé de quatre ans de prison. Il a témoigné au procès des trois autres accusés. Ces derniers soutiennent qu'ils n'ont rien à se reprocher, et rejettent la faute sur M. Panju.

Les accusés

Ronald Weinberg

64 ans

Il a fondé Cinar, avec feu sa femme, Micheline Charest, dans les années 70. L'entreprise produisait des films d'animation pour enfants.

M. Weinberg a témoigné au procès. Il a fait valoir qu'il s'était entouré de professionnels et leur faisait confiance. Il n'était pas au courant de certains gestes faits par M. Panju, notamment de l'existence d'une marge qui aurait servi à acheter des obligations de moins bonne qualité. M. Weinberg dit qu'il a tout perdu.

Il était défendu par Mes Jeffrey Boro et Annie Émond.

Lino Matteo

54 ans

Comptable, il était PDG de Mount Real et se défendait seul, sans avocat. Il a présenté un témoin, mais n'a pas témoigné lui-même. M. Matteo soutient qu'il n'était qu'un conseiller en affaires et il assure qu'il n'a pas fraudé Cinar, directement ou indirectement.

John Xanthoudakis

57 ans

Il était PDG de Norshield Financial Group, a témoigné au procès. Il affirme qu'il n'a pas fraudé Cinar et n'a aidé personne à le faire. Il était défendu par Me Isabelle Lamarche.

Le procès en bref

Les jurés sont payés 160 $ par jour chacun.

Le procès s'est déroulé en anglais.

Trente-quatre personnes ont témoigné.

Un expert-comptable a témoigné pendant 36 jours.

M. Panju est resté 23 jours à la barre des témoins. La Couronne l'a interrogé pendant 8 jours et la défense, pendant 15 jours.

Le procès est présidé par le juge Pierre Labrie, nommé à la Cour supérieure peu de temps avant. C'est pour ainsi dire le premier procès qu'il présidait, du moins du début à la fin. On pourrait appeler ça un baptême du feu.

Les procureurs de la Couronne sont Mes Céline Bilodeau et Matthew Ferguson. Ils étaient assistés de l'enquêteur Sylvain Deschamps.