Plus de trois ans après le déclenchement du scandale, c'est aujourd'hui que le juge Charles Vaillancourt doit rendre son verdict sur les 31 accusations criminelles de fraude, abus de confiance et corruption qui pèsent sur l'ancien journaliste et sénateur Mike Duffy. Retour sur ce vaste procès criminel qui s'est échelonné sur près d'un an et qui a vu défiler plus d'une cinquantaine de témoins.

Les accusations

Seulement trois chefs d'accusation, dont ceux de corruption de fonctionnaires et fraude envers le gouvernement, portent sur le chèque de 90 000 dollars que lui a donné Nigel Wright. Les 28 autres chefs, principalement ceux de fraude et d'abus de confiance, visent trois catégories d'agissements : les frais de subsistance à Ottawa liés au fait que Mike Duffy a déclaré que sa résidence principale était à l'Île-du-Prince-Édouard ; les frais de déplacements et de voyage, qui incluent des déplacements à des fins partisanes ; enfin, les dépenses de bureau, qui comprennent un contrat de consultation accordé à la compagnie d'un ami, qui transférait ensuite ces sommes à d'autres, dont l'entraîneur physique de M. Duffy.

La position de la Couronne

Selon la Couronne, malgré la complexité du dossier et l'attention médiatique soutenue, « il s'agit d'un cas où un employé a profité de sa position pour réclamer des paiements de compensations auxquelles il n'avait pas droit ». Quant au chèque de 90 000 $ fourni par l'ancien chef de cabinet de Stephen Harper à M. Duffy afin de rembourser le Sénat pour ces réclamations indues, « c'est la sollicitation des fonds par le sénateur Duffy et l'acceptation de l'argent de Nigel Wright qui a élevé sa conduite au rang d'infraction criminelle », ont plaidé les procureurs de la Couronne.

La position de la défense

L'avocat de Mike Duffy, Donald Bayne, affirme que son client a présenté toutes ses réclamations au Sénat de bonne foi, dans le contexte de règles souvent très vagues et conformément dans certains cas la recommandation de ses supérieurs, dont le sénateur David Tkachuk et l'ex-premier ministre Harper. Quant au chèque de 90 000 $, il s'agissait d'une solution que le sénateur a été contraint d'accepter sous le coup de menaces et de l'intimidation provenant de l'entourage du premier ministre, a plaidé Me Bayne. « La preuve soumise par le sénateur Duffy a soulevé plus qu'un doute raisonnable : elle a démontré la forte probabilité qu'il n'est coupable d'aucun crime », a-t-il déclaré.

Les peines potentielles

Plusieurs sentences s'offriront au juge s'il déclare M. Duffy coupable d'une ou de plusieurs accusations déposées contre lui. La fraude de plus de 5000 $ de même que la corruption de fonctionnaires exposent son auteur à une peine maximale de 14 ans. La fraude de moins de 5000 $ peut entraîner un emprisonnement maximal de deux ans. Les crimes d'abus de confiance par un fonctionnaire public, en revanche, peuvent entraîner une peine allant jusqu'à cinq ans. Aucune de ces infractions n'est assortie de peine minimale, cependant. C'est donc dire que selon son verdict, le juge Vaillancourt pourra choisir entre diverses options, dont la prison, de simples amendes ou une peine purgée dans la collectivité.

Le Sénat

Mike Duffy reçoit actuellement son salaire de sénateur, mais il n'a pas accès aux ressources de la Chambre, dont son bureau. S'il est déclaré coupable de l'une des infractions criminelles dont on l'accuse et qu'il reçoit ensuite une sentence et non pas l'absolution, il sera alors suspendu sans salaire pendant toute la durée des procédures subséquentes, y compris de possibles appels. S'il est acquitté, il sera rétabli dans ses fonctions avec tous les privilèges et les ressources auxquels il a droit. Dans le cas d'un verdict final de culpabilité, des procédures d'expulsion pourraient éventuellement être entamées, si le sénateur ne démissionne pas avant.