Un Canado-Syrien qui soutient qu'Air Canada a fait preuve de discrimination en appliquant abusivement contre lui la liste américaine d'interdiction de vol, il y a cinq ans, porte sa cause devant le Tribunal canadien des droits de la personne.

En juillet 2011, à l'aéroport de London, en Ontario, l'homme, qui préfère ne pas être identifié pour l'instant, a appris, après une attente interminable au comptoir d'enregistrement d'Air Canada, qu'il ne pourrait monter à bord de son vol à destination de Vancouver, avec correspondance à Toronto. Un agent a simplement expliqué au voyageur que son nom figurait sur la liste américaine d'interdiction de vol, selon le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne, qui a déjà enquêté sur cette affaire.

Pendant les audiences de la commission, Air Canada a rejeté les allégations de discrimination basée sur l'origine ethnique ou la religion. Le transporteur avait aussi soutenu que le recours à la liste américaine d'interdiction de vol ne constituait pas un geste discriminatoire: Air Canada utilisait cette liste parce que les autorités américaines lui avaient demandé de le faire, car des vols intérieurs au Canada survolent parfois le territoire des États-Unis.

Or un porte-parole de l'agence américaine de sécurité des transports a soutenu devant la commission que cette mesure avait été abolie en octobre 2008 - plus de deux ans et demi avant l'incident. Air Canada soutient plutôt que cette exemption a été mise en place en mars 2012, huit mois après l'affaire.

La commission a finalement conclu que lorsque ce voyageur a voulu prendre un vol intérieur en 2011, Air Canada n'était nullement tenu par la loi d'appliquer la liste américaine d'interdiction de vol. Puisque le transporteur n'a fourni «aucune explication valable», la commission recommande dans son rapport final, en février 2014, que la cause soit référée au Tribunal canadien des droits de la personne.

Selon l'avocat du plaignant, Paul Champ, la cause pourrait être entendue cette année - voire l'an prochain.

«Le problème avec ces listes d'interdiction de vol, c'est qu'elles sont si opaques que personne n'en connaît véritablement toutes les règles, a-t-il soutenu en entrevue. Et le rapport de la commission démontre assez clairement que les transporteurs aériens eux-mêmes ne comprennent pas toutes ces règles.»

Plus tôt ce mois-ci, Ottawa et Washington ont décidé de former un groupe de travail pour éviter les «erreurs sur la personne» dans l'application des listes d'interdiction de vol. Plusieurs cas de retards indus aux aéroports canadiens ont fait les manchettes, notamment des enfants qui étaient longuement retenus parce qu'ils portaient le même nom qu'un suspect.

Les deux pays ont aussi annoncé qu'ils échangeraient plus systématiquement les informations contenues dans leur liste respective, pour des raisons de sécurité.