Au terme d'une enquête internationale, deux arnaqueurs ont été condamnés en Côte d'Ivoire pour avoir extorqué de l'argent à un Québécois de 18 ans et l'avoir harcelé sur l'internet jusqu'à ce qu'il se suicide, ont annoncé vendredi les autorités ivoiriennes.

La Presse avait dévoilé l'histoire dramatique du jeune Yanick Paré en septembre. Le jeune résidant d'Asbestos s'était pendu dans un bois, un soir de février 2015, en laissant une lettre qui expliquait son geste à ses proches.

« Je vous aimerai toujours mais je dois partir. Je ne supporte plus de me faire harceler sur internet pour des sommes d'argent astronomiques à cause d'une fille qui m'a cruisé et qui veut monter un scandale sur moi. Si vous voyez un jour une vidéo de moi, dites-vous que tout est faux. Je n'aurais jamais fait ça », écrivait-il.

À l'origine, Yanick Paré croyait discuter sur le web avec une charmante Franco-Ontarienne du nom de Sandra Roy. Une romance avait commencé à germer et il s'était filmé dans une position compromettante lors d'une vidéoconférence.

Son interlocuteur lui avait ensuite révélé qu'il était un homme et avait exigé 3500 $ pour ne pas diffuser la vidéo.

Le jeune homme avait envoyé près de 2000 $ en Côte d'Ivoire. Ce n'était pas assez pour ses tortionnaires, qui sont allés jusqu'à diffuser une vidéo mensongère faisant croire que leur victime s'était masturbée devant une enfant de 8 ans. « Cet acte d'une extrême cruauté entraînera le suicide du jeune homme », a résumé la police ivoirienne dans un communiqué.

Les policiers de la Sûreté du Québec, qui entretiennent des liens étroits avec la police nationale ivoirienne, avaient transmis le dossier à leurs homologues spécialisés dans la lutte contre les « brouteurs », nom donné aux arnaqueurs du web là-bas.

Un dossier prioritaire

Rencontrés en Afrique par La Presse au mois de juillet, ces enquêteurs de la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) avaient d'ailleurs dit considérer ce dossier comme une priorité. Après six mois d'enquête, ils ont retracé les suspects qui avaient utilisé les comptes Facebook liés au crime : Zoetaba Alain, 20 ans, et Zida Issouf, 19 ans, qui habitent tous deux la ville de Divo, à 180 km à l'ouest d'Abidjan.

« Zeotaba Alain a reconnu devant les enquêteurs de la PLCC se faire passer pour "Sandra Roy" avec la complicité de son ami Zida Issouf. Il a déclaré avoir effectivement utilisé le compte Facebook du nommé Zida Issouf pour harceler plusieurs correspondants dont Yanick Paré. Il a ajouté avoir fait plusieurs autres victimes majoritairement canadiennes, à qui il aurait soutiré au total 1470 $ », a affirmé la police.

L'aîné des deux suspects a été condamné à cinq ans de prison ferme pour homicide involontaire, escroquerie, chantage et harcèlement. Son complice recevra sa sentence sous peu devant le tribunal pour mineurs.

L'automne dernier, l'organisme Cyberaide.ca, qui lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants sur l'internet, rapportait une hausse de 40 % des signalements de jeunes visés par des pratiques de « sextorsion » cette année au Canada.

PHOTO TIRÉE DU SITE OFFICIEL DE LA PLATEFORME DE LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ DE LA CÔTE D'IVOIRE

Après une enquête qui aura duré six mois, les policiers ivoiriens ont été en mesure de retracer les deux suspects dans cette affaire : Zoetaba Alain, 20 ans, et Zida Issouf, 19 ans.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Yanick Paré s'est suicidé en février 2015. Dans une lettre laissée à ses proches, il explique qu'il n'en pouvait plus de se faire « harceler sur internet pour des sommes d'argent astronomiques ».

BROUTEUR

À l'origine, le mot signifiait simplement « escroc » en Côte d'Ivoire. Comme les criminels ivoiriens sont très actifs dans les arnaques par l'internet, l'expression est maintenant associée aux fraudes en ligne.