Le procès pour fraude, corruption et abus de confiance du sénateur Mike Duffy s'est beaucoup concentré, lundi, sur ce qui constitue finalement un «mensonge» - ou une «omission».

Poursuivant le contre-interrogatoire de Nigel Wright, l'avocat de M. Duffy, Donald Bayne, a demandé à l'ex-chef de cabinet du premier ministre de raconter au tribunal ce qu'il avait confié exactement à Stephen Harper du plan élaboré par l'état-major pour que le sénateur rembourse à la Chambre haute ses dépenses controversées en 2013.

Le «scénario» prévoyait que le sénateur conservateur admette publiquement ses erreurs et qu'il promette de rembourser les sommes injustement réclamées.

Seul hic: plusieurs personnes dans l'entourage du premier ministre savaient pertinemment que le sénateur ne rembourserait jamais lui-même cette somme. En février 2013, le plan était de refiler au Parti conservateur la facture - plus les frais juridiques de M. Duffy.

Or, Nigel Wright a soutenu qu'il avait prévenu le premier ministre que le sénateur Duffy rembourserait les dépenses réclamées injustement. Pourtant, c'est M. Wright, riche homme d'affaires, qui a lui-même effacé de sa poche, éventuellement, la dette du sénateur Duffy en lui remettant un chèque personnel de 90 000 $.

L'avocat de M. Duffy a demandé à M. Wright, lundi, pourquoi il avait ainsi «menti» à son patron, mais l'ex-chef de cabinet a préféré parler d'une omission.

«J'ai simplement estimé que cela ne faisait pas partie des sujets que je devais valider avec (le premier ministre)», a répondu M. Wright.

Me Bayne a poursuivi: «Duffy n'allait pas rembourser. Ne croyez-vous pas qu'il y avait une différence entre le fait qu'il rembourse (de sa poche) et le fait que le parti (conservateur) rembourse à sa place, en vertu d'une initiative secrète du sénateur (Irving) Gerstein et d'autres personnes?».

«Honnêtement, je ne crois pas qu'il y avait une différence si grande», a répondu M. Wright. «L'essentiel, c'était que les dépenses soient remboursées, et qu'il (Duffy) ne recommence plus.»

L'exactitude des déclarations publiques de M. Harper, celles de son entourage et de certains ministres dans cette affaire continuent de venir hanter le chef conservateur dans sa campagne électorale. En juin 2013 - bien après que l'on eut appris que M. Wright avait lui-même remboursé les dépenses injustifiées du sénateur -, M. Harper soutenait aux Communes que son ex-chef de cabinet n'avait informé personne de son initiative.

Interrogé encore lundi matin, à Fredericton, sur ces «mensonges-omissions» de sa garde rapprochée, M. Harper a esquivé à nouveau les questions des journalistes, répétant inlassablement sa ligne de défense dans cette affaire: sa responsabilité était de «s'assurer que les gens responsables soient tenus responsables de leurs gestes», et «les seuls responsables sont MM. Duffy et Wright».

Me Bayne maintient sa stratégie de défense sur deux fronts: dépeindre M. Wright comme un magouilleur qui s'est activé dans l'ombre, et le sénateur Duffy comme un homme qui a été forcé par des gens puissants de poser des gestes contre son gré. L'avocat a d'ailleurs utilisé à plusieurs reprises le terme «capitulation» pour décrire comment M. Duffy avait finalement accepté le plan du cabinet du premier ministre, afin de ne pas embarrasser davantage le gouvernement conservateur.

Ce plan prévoyait aussi de retirer à la firme de vérification externe Deloitte tout le dossier Duffy - une idée du sénateur David Tkachuk, selon Nigel Wright.