Les adversaires des conservateurs réclament la démission de proches collaborateurs du premier ministre Stephen Harper dans la foulée d'informations mises en preuve dans le procès de Mike Duffy.

L'interrogatoire de Nigel Wright et le dépôt de courriels au dossier de cour ont révélé que plusieurs proches collaborateurs du premier ministre dans son cabinet, au Sénat et au Parti conservateur étaient au fait des plans élaborés pour étouffer la crise politique entourant les réclamations de dépenses de Mike Duffy au Sénat.

Ces plans incluaient de dire publiquement que Mike Duffy avait remboursé 90 000$ au Sénat pour des frais de subsistance réclamés «par erreur», alors qu'en réalité les fonds provenaient de M. Wright.

Les courriels impliquent directement Ray Novak, l'actuel chef de cabinet de M. Harper, qui a succédé à Nigel Wright lorsque celui-ci a été congédié en marge de cette affaire. Dans un message envoyé le 23 mars 2013 à M. Novak, alors secrétaire principal du premier ministre, Nigel Wright a écrit: «Je vais envoyer mon chèque lundi.»

L'opposition a bondi sur cette information, qui établit un lien direct avec Stephen Harper. M. Novak travaille actuellement pour la campagne du chef conservateur, et il était déjà à l'époque décrit comme son protégé ou même son ombre. Or ce dernier a toujours nié savoir que M. Wright avait fourni les fonds au sénateur Duffy.

«M. Novak devrait être congédié, comme [la leader du gouvernement au Sénat de l'époque] Marjory LeBreton et comme le sénateur Irving Gerstein [le grand argentier du parti]. Nous avons appris dans des documents que ces gens-là ont été intimement liés aux efforts du bureau du premier ministre pour camoufler les dépenses de M. Duffy et pour changer une vérification indépendante de Deloitte», a lancé le député sortant du Parti libéral Dominic LeBlanc.

Or «non seulement M. Harper n'a pas tenu M. Novak responsable, il lui a même donné une promotion. Ça témoigne du jugement de M. Harper», a ajouté M. LeBlanc.

Harper se porte à la défense de Novak

De passage dans les Territoires du Nord-Ouest, le chef conservateur a défendu son actuel chef de cabinet. «On ne tient pas des subalternes responsables des actions de leurs supérieurs», a-t-il déclaré.

Le porte-parole de M. Harper, Kory Teneycke, a même laissé entendre que M. Novak n'avait peut-être pas lu le courriel puisqu'il en consultait des centaines par jour.

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a tranché que ces explications n'ont aucune crédibilité. «M. Harper voudrait nous faire croire que c'étaient des éléments disparates de son cabinet qui lui ont caché des choses. Pourquoi, s'ils sont des mécréants, les garde-t-il en place? Il ne peut pas dire d'un côté que ce sont des éléments sur lesquels il n'a aucun contrôle et de l'autre essayer de justifier le fait qu'ils sont tous encore là.»

Contre-interrogatoire de Nigel Wright

L'avocat de Mike Duffy, Donald Bayne, a quant à lui poursuivi hier son contre-interrogatoire de Nigel Wright en martelant certains des thèmes-clés de sa défense qu'il avait abordés la veille.

Il affirme que M. Wright a forcé M. Duffy à participer à ce stratagème de remboursement, auquel le sénateur suspendu s'opposait puisqu'il maintenait en coulisses que ses réclamations n'étaient pas illégales. Ce faisant, a accusé Me Bayne, le témoin était prêt à induire les Canadiens en erreur et à piger, pour rembourser Mike Duffy, dans un fonds du Parti conservateur subventionné en partie par les contribuables grâce aux allocations consenties aux partis politiques. Le plan initial était que le Parti conservateur rembourse lui-même la somme.

«Qui savait pour le paiement à part vous et le sénateur Gerstein?», lui a demandé l'avocat vers la fin de la journée. Le témoin a énuméré quelques noms, pour la plupart des proches du premier ministre: le sénateur Duffy, son avocate Janice Payne, le responsable de la gestion des enjeux au bureau du premier ministre Chris Woodcock, le responsable des affaires parlementaires Patrick Rogers, le conseiller juridique du premier ministre Benjamin Perrin... «Il y en avait peut-être d'autres», a-t-il reconnu.

Mike Duffy fait face à 31 chefs d'accusation de fraude et de corruption relativement à ses réclamations de frais de subsistance et à l'utilisation de son budget de bureau pour des dépenses non reliées à ses activités parlementaires. Il est aussi accusé de corruption d'un fonctionnaire et de fraude envers le gouvernement pour avoir accepté le chèque de 90 000$ de Nigel Wright.

Il a plaidé non coupable à toutes ces accusations. Il maintient à ce jour que les règles du Sénat ne lui interdisaient pas de faire ces réclamations. Nigel Wright n'a pas été accusé.

- Avec La Presse Canadienne