Le procureur de la Couronne Paul Rouillard estime avoir agi dans les règles quand il a négocié avec l'avocat de l'activiste Jaggi Singh, en 2008. Sur les conseils du procureur en chef, il a fini par retirer les accusations contre M. Singh.

C'est ce que MRouillard a expliqué, hier, alors qu'il témoignait dans le cadre du procès civil que l'activiste Singh tient à la Ville de Montréal. Singh allègue qu'il a été arrêté, accusé et détenu de façon abusive, et qu'il a fait l'objet de procédures malicieuses. Il réclame 140 000$ en dommages.

Non-respect de conditions

M. Singh, 43 ans, avait été arrêté en mars 2007 au cours d'une manifestation, et avait été détenu pendant cinq jours avant d'être relâché sous conditions. On lui reprochait de ne pas avoir respecté ses conditions en participant à une manifestation qui n'était «pas paisible».

C'est MRouillard qui avait fini par hériter de ce dossier à la Cour municipale. Un an plus tard, juste avant le procès, MRouillard a évalué le dossier. Il y avait des forces et des faiblesses, notamment une requête en vertu de la Charte déposée par M. Singh qui avait de fortes chances de passer, a expliqué MRouillard. Ce dernier avait deux ou trois ans de pratique à la Cour municipale à ce moment. Il en a parlé à son procureur-chef. Sur les conseils de ce dernier, en février 2008, MRouillard a enclenché des négociations avec l'avocat de M. Singh, MWill. Il a offert de retirer les accusations pour les remplacer par un constat d'infraction à un règlement municipal. M. Singh voulait une lettre d'excuses. MRouillard est retourné voir son procureur-chef, qui a proposé de faire signer à M. Singh une renonciation à poursuivre la Ville. M. Singh a refusé. MRouillard a fini par retirer les accusations sans rien en retour. M. Singh a intenté sa poursuite civile peu après.

Propos

Les propos que MRouillard avait tenus avec MWill dans le cadre de leurs négociations se sont retournés contre lui. Ces propos sont: «OK, tu as callé mon bluff». En une autre occasion, au sujet de la renonciation à poursuivre la Ville: «Je voulais juste protéger mon policier.»

MWill, qui avait 10 mois de pratique au moment des événements, a témoigné hier. Il estime que MRouillard a agi de façon «non éthique».

MRouillard admet l'affaire du bluff. Il s'agissait d'une blague peut-être maladroite, dans le cadre de négociations qui étaient cordiales, a-t-il expliqué. Il nie avoir parlé de protéger le policier.

MRouillard était le dernier témoin de ce procès, qui a commencé en 2013. Les parties (M. Singh se défend lui-même) plaideront par écrit, et la juge Micheline Perreault rendra sa décision à un moment indéterminé.

Il est à noter que le procès a été sur une voie de garage pendant deux ans parce qu'une décision de la juge Perreault a été portée en appel, puis à la Cour suprême (qui a refusé de l'entendre).

M. Singh a eu gain de cause: il voulait faire témoigner son avocat sur les négociations avec MRouillard. MPierre-Yves Boisvert, qui représente la Ville de Montréal, s'y opposait, vu le privilège de confidentialité qui entoure les négociations. La Cour d'appel a conclu que cette confidentialité avait certaines limites.