Le fait que le clan Rizzuto ait voulu éliminer Sergio Piccirilli prouve que ce dernier est important. C'est avec cette déclaration que la poursuite a lancé lundi sa plaidoirie pour faire condamner Sergio Piccirilli, arrêté par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à l'été 2006, dans une investigation parallèle à la vaste enquête antimafia Colisée.

Piccirilli, 55 ans, est un acteur énigmatique du crime organisé québécois, lié à la fois à la mafia et aux motards. C'est un ami d'enfance de celui que la police considère comme le chef des Hells Angels sur le terrain, Salvatore Cazzetta.

En 2004-2005, Piccirilli s'était retrouvé au centre d'un conflit qui aurait pu dégénérer en guerre ouverte entre les clans Rizzuto de Montréal et D'Amico de Granby, causé par une dette de plusieurs millions issue d'importations de marijuana vers les États-Unis. Piccirilli, qui aurait été membre des forces spéciales et tireur d'élite dans l'armée canadienne, était même entré en exhibant une arme dans l'ancien quartier général des Siciliens, le café Consenza de la rue Jarry - ce qui avait fait dire au lieutenant de la mafia Francesco Arcadi, sur les lignes d'écoute, « qu'il avait des couilles ».

C'est le deuxième procès de Piccirilli dans le cadre de l'opération Cléopâtre, le premier ayant avorté à la suite d'un arrêt des procédures en 2008.

Il fait face à 24 chefs de complot, d'importation et de trafic de stupéfiants, de production de méthamphétamine, de possession d'armes et de trafic de cigarettes.

«Envoie-moi des fleurs»

C'est en raison de son rôle dans la dispute Rizzuto-D'Amico que les enquêteurs de l'unité mixte d'enquête contre le crime organisé autochtone se sont intéressés à lui.

Le sergent Joe Tomeo a témoigné s'être rendu chez Piccirilli, au nord de Montréal, le 16 février 2006, pour lui annoncer que le crime organisé italien avait mis un contrat sur sa tête et que la menace venait de Toronto. « Va voir le vieux monsieur, Nicolo Rizzuto, pour régler ça », lui a dit le policier.

« Je pensais que c'était réglé. J'y suis déjà allé et cela n'a rien donné. Je vais y retourner », a dit Piccirilli, maugréant contre le fait que ses ennemis auraient voulu s'en prendre à un membre de sa famille. « Ils n'ont plus de respect », a-t-il dit à Tomeo.

Piccirilli a dit qu'il croyait que les Rizzuto voulaient l'éliminer parce qu'il n'était plus avec eux et que, fraîchement sorti de prison, il voulait reprendre « le travail ». Il a dit au policier avoir appris que des gars de la région de Peel étaient à Montréal la semaine précédente.

« Comment pourrait-on aider ? », lui a demandé le sergent. « J'ai assez d'armes enregistrées ici pour me défendre s'ils viennent chez moi. Envoie-moi des fleurs », lui a répondu l'accusé, qui a demandé s'il avait le droit de porter un gilet pare-balles.

Le lendemain, Piccirilli a commandé à ses bras droits et à une ancienne flamme, Sharon Simon, surnommée la reine de Kanesatake, une mitraillette Norinco 84S de type AK-47 pour se défendre, mais les policiers, qui écoutaient les lignes, ont intercepté l'arme en transit sur l'autoroute 640.

Selon la poursuite, le quartier général du groupe de Piccirilli, rue Leman à Laval, était équipé de vitres miroirs, de caméras de surveillance et d'un système d'alarme. Lors d'une perquisition, les policiers ont découvert à l'intérieur une soumission pour l'installation de vitres blindées. Chez lui, ils ont trouvé un petit pistolet de calibre .40 sous son oreiller.

Appuyée par une présentation PowerPoint étoffée, la poursuite, assurée par les procureurs fédéraux Marie-Ève Moore et Dominique Dudemaine, a soutenu que Piccirilli était à la tête d'une organisation criminelle et que la preuve et l'écoute électronique démontrent hors de tout doute que ses coaccusés, Torsten Trute, déjà condamné, et Antal Babos, en attente de procès, répondaient à ses ordres.

Elle a également déposé en preuve des vidéos de filature démontrant que Piccirilli a appelé à l'aide son ami Salvatore Cazzetta pour régler un problème avec le Hells Angel Claude Pépin concernant son bar de danseuses de L'Avenir.

La juge Marie-Suzanne Lauzon rendra sa décision à la fin du mois de septembre.

ARGUMENTS DE LA DÉFENSE (Me PATRICE DULIOT)

- Sergio Piccirilli admet trafiquer des cigarettes, mais nie faire le trafic de la drogue et des armes.

- Les chiffres et les couleurs blanche et brune mentionnées dans les conversations captées par les policiers font référence aux cigarettes.

- La preuve est circonstancielle.

- Rien n'incrimine Piccirilli dans l'écoute électronique, contrairement à des coaccusés.

- Des policiers ont planté de la preuve, notamment une arme trouvée dans un aspirateur et une balle découverte dans un étui.

- Piccirilli n'a pas le train de vie d'un trafiquant de drogue.

- Les policiers n'ont jamais trouvé de haschisch et très peu de cocaïne.

- Les conversations interceptées concernant des rencontres au bar de danseuses sont motivées par des rénovations dans l'établissement.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Sergio Piccirilli

PHOTO LA PRESSE

C'est dans cet immeuble aux vitres teintées sur la rue Leman à Laval que Sergio Piccirilli avait son quartier général selon la Poursuite.