Même si deux avocats du directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ont eu des comportements «inappropriés» en marge de ses dossiers, Marco Barquin Varela, accusé de menaces contre un procureur, aura tout de même un procès.

C'est ce que le juge Normand Bonin, de la Cour du Québec, a conclu hier en rendant son jugement de 12 pages. Il a rejeté la requête de Barquin Varela, qui demandait l'arrêt du processus judiciaire au motif que ses droits à l'avocat de son choix et à un procès équitable avaient été violés.

Le jeune homme de 25 ans est accusé d'avoir menacé et harcelé un procureur de la Couronne (Martin Joly) en pleine cour, le 19 décembre dernier. À la mi-janvier, il a choisi un avocat pour le représenter dans ce dossier: Me Antonio Cabral.

Le 21 janvier, la procureure de la Couronne Marilène Laviolette - la conjointe de Martin Joly - a interpellé Me Cabral à la cafétéria du palais de justice de Montréal en lui demandant si c'était bien lui qui représentait l'accusé dans le dossier impliquant Me Joly.

Marilène Laviolette s'est montrée «agacée» qu'un avocat de Montréal accepte de représenter l'accusé. Après avoir posé quelques questions à Me Cabral, elle lui a dit: «En tout cas, tu ne pourras plus jamais négocier un dossier avec la poursuite de Montréal.» (Me Laviolette a soutenu avoir prononcé des paroles moins directes, mais le juge a retenu les témoignages concordants de Me Cabral et d'un autre avocat présent à la cafétéria.)

Un deuxième incident

Un deuxième incident est survenu le 6 février. Marco Barquin Varela, toujours représenté par Me Cabral, avait un procès dans une autre affaire. À la fin de l'audience, le procureur de la Couronne Éric Poudrier a invité le greffier à fermer l'enregistrement. Il a ensuite demandé au juge de rester dans la salle, le temps que l'accusé détenu en sorte. Me Poudrier a alors expliqué au magistrat que l'accusé avait déjà menacé un procureur de la Couronne.

Me Antonio Cabral s'est par la suite retiré du dossier de menaces, soutenant qu'il craignait qu'on lui accole une image négative. La preuve démontre qu'il savait, depuis le 1er février, qu'il ne pourrait représenter l'accusé lors de son enquête préliminaire parce qu'il serait à l'extérieur du pays en tant que conseiller dans l'une des missions de l'ONU.

Aux yeux de la défense, le comportement du DPCP a déconsidéré l'administration de la justice. Elle a donc demandé l'arrêt du processus dans le dossier de menaces, seul remède possible, selon elle, pour protéger l'intégrité du système judiciaire.

Le point de vue du juge

Le juge Normand Bonin (du district de Joliette) a vu les choses d'un autre oeil. «Ce serait l'arrêt des procédures ici qui risquerait de nuire à l'image de la justice», a-t-il écrit dans son jugement. Il a souligné que rien n'indiquait que l'accusé avait été privé de ses droits fondamentaux.

Selon le juge, les deux procureurs de la Couronne n'ont pas agi de façon «appropriée». Les propos tenus par Me Marilène Laviolette sont même «à la limite d'un abus de pouvoir». Cependant, les agissements des deux avocats «n'ont pas de lien entre eux» et «demeurent circonstanciels».

«Il s'agit d'une situation où Me Laviolette a laissé ses émotions l'emporter sur ses devoirs professionnels et d'une situation où Me Poudrier a mal interprété le rôle du juge en regard de la sécurité dans la salle [...]», écrit-il.

Le juge a souligné que le DPCP avait pris des mesures pour assurer un traitement équitable du dossier en nommant un procureur de l'extérieur du district.

Le procès de Marco Barquin Varela aura lieu les 7 et 8 octobre.