Sabine, une jolie trentenaire, a-t-elle été victime d'un patron imbu de lui-même et trop entreprenant? Ou est-elle l'intrigante qui a charmé son patron afin de conforter sa position chez Air Algérie, pour ensuite orchestrer une vengeance contre lui quand elle a perdu son emploi?

Il revient maintenant au juge Louis A. Legault de démêler l'affaire. À la fin des plaidoiries des avocats, cette semaine, le juge a annoncé qu'il rendra son jugement à l'égard d'Abdelaziz Laouar, le 4 septembre. L'homme de 59 ans, qui est directeur général d'Air Algérie au Canada, a subi son procès à Montréal, sous deux accusations d'agression sexuelle. Le ministère public lui reproche d'avoir embrassé à deux reprises l'employée dont il était tombé amoureux, c'est-à-dire Sabine. Il s'agit d'un nom fictif, puisque nous ne pouvons l'identifier en vertu de la loi.

Sabine a travaillé dans les bureaux d'Air Algérie de 2008 à 2010. Elle perdu son emploi parce que son contrat n'a pas été renouvelé. Elle pense qu'elle a été punie pour avoir dénoncé le comportement de M. Laouar. Ce dernier affirme que les deux baisers reprochés sont pure invention de la part de Sabine. Si elle a perdu son emploi, c'est parce que son travail laissait à désirer et qu'il y a eu des changements dans les manières de faire de la compagnie.

Une chose est sûre cependant: les mots doux et les phrases poétiques que M. Laouar envoyait par courriel à Sabine il y a cinq ans, ont fait place à une appréciation glaciale de sa part. « La finesse de ton esprit n'en finit pas de m'étonner... », écrivait-il à Sabine, le 7 janvier 2009.

« Intelligente? Non, le mot est fort », dit-il aujourd'hui, pour décrire Sabine. Il trouve aussi que ce n'est pas une « belle femme », et estime qu'elle faisait des « tâches dérisoires » dans l'entreprise.

Un grand frère

M. Laouar est arrivé à Montréal en avril 2008, pour implanter Air Algérie. Sabine qui était employée d'une compagnie aérienne connexe à Montréal depuis 2007, craignait de perdre son emploi dans le chambardement. Au bout de quelques mois, elle a été embauchée chez Air Algérie.

La famille de M. Laouar n'était pas encore installée ici, et il ne connaissait personne. Lui et Sabine sont devenus amis. La jeune femme le conduisait en voiture dans différents endroits. M. Laouar est tombé sous le charme de la jeune femme. Sabine avoue de son côté qu'elle avait beaucoup d'admiration pour lui, qu'il était même un exemple pour elle. Elle assure cependant qu'elle ne le voyait que comme un grand frère, point.

M. Laouar aurait embrassé Sabine dans la voiture, en mars 2009, après un souper au restaurant, et alors qu'elle avait complété sa période d'essai comme employée. Elle a été désemparée et n'a pas apprécié. Elle lui a répondu par un courriel lui signalant notamment qu'il la faisait se « sentir mal. » Le second baiser serait survenu en juillet 2010, dans un bureau de la compagnie aérienne. Il lui aurait effleuré un sein en même temps. Sabine était fâchée. Elle a par la suite été réaffectée à d'autres tâches, ce qu'elle n'a pas apprécié. Elle a demandé à M. Laouar de la retourner à son ancien poste.

« J'ai refusé et 15 jours après, elle portait plainte contre moi », a soutenu M. Laouar au procès.

L'avocat de l'accusé, Charles B. Côté, a plaidé que Sabine n'a pas été honnête envers M. Laouar et qu'elle a donné une version biaisée de ce qui est arrivé. Il soutient qu'elle a encouragé les sentiments de M. Laouar. Celui-ci était torturé dans ses sentiments, face à sa famille, à ses enfants.

La procureure de la Couronne Nadine Haviernick soutient de son côté que c'est M. Laouar qui n'est pas crédible. « Il est le contraire de la spontanéité. Ses explications sont interminables, il a une opinion sur tout et il blâme madame pour hausser sa crédibilité », a-t-elle dit. La procureure affirme que l'accusé convient qu'il est tombé amoureux de Sabine, mais soutient que ce n'est pas de sa faute à lui. « Il a été la victime » de madame.

Sabine adorait son emploi et a été très affectée de le perdre.

Me Pierre-Olivier Bolduc assistait Me Haviernick dans cette cause.