Deux morts et deux blessés lors d'une fusillade qui a duré quelques minutes en plein jour, dans une boutique du Vieux-Montréal. Trois hommes au banc des accusés. Ce n'est pas le plus simple des procès, mais on ne parle pas d'une affaire hypercomplexe non plus, ni d'un superprocès. Pourquoi alors le procès du Flawnego, censé durer deux mois et demi, s'est-il étiré sur sept mois ?

Est-ce parce que la défense a refusé de faire des admissions, obligeant la Couronne à appeler un grand nombre de témoins ?

Est-ce parce que les contre-interrogatoires de la défense, particulièrement ceux de l'avocat Franco Schiro, étaient terriblement longs ?

Est-ce parce que les parties ont mal évalué la durée du procès dès le départ ?

Est-ce parce que le matin, l'audience commençait régulièrement en retard et que les pauses s'étiraient ? Au point qu'un des accusés s'en est plaint à la juge Carol Cohen.

Tout un chacun a sa petite idée là-dessus. Mais il semble bien que les facteurs étaient réunis pour que le procès du Flawnego se transforme en procès de longue durée. Un poids de plus dans un système judiciaire déjà engorgé, avec facture à l'avenant pour le Trésor public. D'autant que les trois accusés, Carey Isaac Regis (MeFranco Schiro), Kyle Gabriel (Me George Calaritis) et Terrell Lloyd Smith (Me Marion Burelle), bénéficient de l'aide juridique. La rémunération accordée par l'État pour un avocat de pratique privée qui oeuvre dans un procès devant jury est d'au moins 800 $ par jour, sans compter les « considérations spéciales » et autres frais.

Les 12 jurés, de leur côté, sont payés au tarif des procès de longue durée depuis la mi-novembre, soit 160 $ par jour au lieu des 103 $ du début.

« INACCEPTABLE »

Ces 12 citoyens, qui s'attendaient à mettre leur travail habituel ou leurs activités quotidiennes en suspens pour deux mois et demi, ont été réquisitionnés beaucoup plus longtemps. Et ce n'est pas fini, puisqu'ils sont actuellement en délibérations.

« C'est inacceptable qu'un procès de 10 ou 12 semaines devienne un procès de sept mois. Le jury a été trahi, le système a été trahi », s'offusque Me Louis Bouthillier, qui représentait la Couronne dans ce dossier, avec sa collègue Véronique Beauchamp.

Me Bouthillier, un vétéran dans les procès aux assises à Montréal, se dit prêt à assumer une part de responsabilité en ce qui concerne l'évaluation de la durée du procès au départ. « Mais on ne pouvait pas prévoir la durée des contre-interrogatoires », nuance-t-il. Le procureur avance que l'évaluation avait été convenue entre toutes les parties. Il fait remarquer qu'il n'y a pas eu d'admission, que tout était contesté, même le plan des lieux. (Les admissions permettent de réduire le nombre de témoins dans un procès. Les parties admettent que si une personne venait témoigner, elle dirait telle et telle chose. L'admission est déposée sous forme de document au bénéfice du juge ou du jury.)

INTERMINABLE

La Couronne a présenté 57 témoins, et la défense, 39, dont 36 appelés par Me Schiro. C'est ce dernier qui, manifestement, menait le jeu du côté de la défense. Il pouvait interroger un témoin pendant des jours. Me Schiro se défend d'avoir fait indûment traîner le procès.

L'avocat estime que la Couronne n'a présenté que les « témoins qui lui convenaient ». En guise d'exemple, il cite le fait que son client Carey Isaac Regis louait souvent des véhicules. Il déplore le fait que la Couronne se soit attardée seulement au véhicule que Regis a loué le jour de la tuerie. (Selon la Couronne, Regis conduisait le véhicule avec lequel ont fui les assaillants.)

Même chose pour la preuve de filature, qui s'est attardée sur la fois où Regis marchait en parlant avec Smith, l'un des coaccusés. « Les autres fois, quand mon client est vu, pourquoi ils ne les mettent pas en preuve ? Mon client voit toutes sortes de gens, il est avec des enfants... Mais ils ne mettent pas ça en preuve... »

LE PROCÈS EN TROIS DATES

25 septembre 2013 : Début du procès devant jury

12 mars 2014 : Début de la preuve de la défense

24 avril 2014 : Début des délibérations

LES PLUS LONGS TÉMOIGNAGES

25 h 08 sur 9 jours

Dominique Roberge, biologiste judiciaire

Interrogatoire de la Couronne : 8 h 15

Contre-interrogatoire de la défense :  14 h 54

10 h 56 sur 6 jours 

Caroline Simoneau, experte en empreintes judiciaires

Interrogatoire de la Couronne : 2 h 15

Contre-interrogatoire de la défense : 8 h 41

9 h 53 sur 4 jours 

Alain Bertrand, électricien, présent dans la boutique lors de la fusillade

Interrogatoire de la Couronne : 40 minutes

Contre-interrogatoire de la défense : 9 h 13