Les révélations sur l'existence d'une enquête criminelle visant un policier vedette de la lutte antidrogue au SPVM ont déjà un impact sur la tenue d'importants procès. Et ce n'est qu'un début, craignent certains cadres de la police de Montréal.

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Le sergent-détective en question, connu comme l'un des enquêteurs qui contrôlent le plus d'informateurs au sein des milieux criminels au Québec, s'est vu retirer de ses fonctions mercredi. La division des affaires internes, assistée par la GRC, enquête sur plusieurs allégations de collègues et de criminels qui remettent en doute la nature de ses rapports au crime organisé.

L'affaire faisait beaucoup jaser au cours de la journée sur les ondes radio de la police, a appris La Presse.

Hier, le sergent-détective vedette devait témoigner au palais de justice de Montréal, dans le cadre du procès d'un jeune homme arrêté lors d'une saisie majeure de crystal meth et la découverte d'un véritable arsenal de guerre, en septembre 2012.

À l'ouverture du procès, devant une salle bondée, le procureur de la Couronne a prévenu le juge que son témoin vedette ne pourrait être présent en raison des développements survenus la veille, ajoutant qu'il était malade.

Le procès a été reporté à une date ultérieure, à la satisfaction des avocats de la défense. Mais la déception et l'inquiétude se lisaient sur le visage des enquêteurs de la Division du crime organisé de la police de Montréal présents.

Car il ne s'agissait pas d'une petite affaire: ce procès découle d'une vaste opération au cours de laquelle la police a effectué quatre perquisitions et mis la main sur huit armes à feu, dont deux carabines automatiques Colt M4A1 capables de tirer 900 coups à la minute à une portée de 300 mètres, trois kilos de crystal meth, un record à l'époque, et 16 kilos de cocaïne.

Selon nos sources, les patrons du sergent-détective au SPVM craignent des complications judiciaires dans d'autres enquêtes impliquant le policier vedette qui passent maintenant devant les tribunaux. Ils craignent notamment que des avocats de la défense ne contestent en cour l'intégrité de son travail d'enquêteur.

De l'eau au moulin pour Lambert

Une autre cause touchée par la tournure des événements est celle de l'ex-policier Mario Lambert, congédié et condamné au criminel après avoir été dénoncé par le sergent-détective vedette. Son dossier est présentement devant la Cour d'appel.

Au moment de son arrestation, Lambert venait justement de dénoncer le sergent-détective vedette à la GRC, car il le soupçonnait de laisser fuir de l'information au profit d'un criminel libanais membre du Hezbollah. Lambert a toujours soutenu qu'il avait été congédié dans la foulée d'une machination de son collègue qu'il venait lui-même de dénoncer.

«Je ne peux pas parler des faits, puisque ma cause est en appel, mais je tiens à réitérer mon innocence», a-t-il déclaré à La Presse hier en réaction à nos reportages.

Son avocate, Nellie Benoit, croit que les récentes révélations sur le sergent-détective vedette «viennent confirmer le témoignage de Mario Lambert».

«Je vais faire une demande à la Couronne en vertu de l'arrêt McNeil de la Cour suprême. Je vais demander tous les documents et le dossier disciplinaire sur ce policier qui est impliqué directement dans le dossier», explique-t-elle. L'arrêt McNeil permet aux accusés d'obtenir de tels documents sur un policier s'ils sont pertinents pour sa cause.

Par ailleurs, selon trois sources bien au fait du dossier, un nouveau témoin qui s'est manifesté pour appuyer la version de Mario Lambert aurait enregistré une déclaration assermentée sous vidéo. Sur l'enregistrement, il ne nomme pas le sergent-détective vedette, mais confirme qu'un policier montréalais était «dans la poche» de Bashir Ayad, un trafiquant de drogue et d'armes lavallois membre du Hezbollah assassiné en 2009. Plusieurs sources ont confirmé à La Presse qu'Ayad était un informateur contrôlé par le sergent-détective vedette.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud