Le client violent menaçait de la tuer si elle ne le laissait pas faire ce qu'il voulait. «J'avais l'impression que si je me fâchais, ça lui donnait plus de plaisir. Je me suis laissé faire, comme une poupée.»

C'est ce qu'a expliqué Justine (nom fictif), qui témoignait hier au procès d'Erich Shimon Chemama, à Montréal. L'homme est accusé de séquestration, menaces et agression sexuelle à l'endroit de trois prostituées, pour des faits qui se seraient produits entre 2009 et 2010.

La femme de 36 ans qui témoignait hier est l'une de ces victimes alléguées. Cette jeune mère de famille travaillait comme escorte, quand l'agence qui l'employait l'a envoyée chez un client, dans un immeuble de logements de Saint-Laurent, vers 3h, une nuit d'octobre 2010.

Justine s'y est rendue avec le chauffeur. Ce dernier a collecté l'argent du client, qui voulait «un complet», puis il est redescendu attendre dans sa voiture. Justine est restée seule avec le client.

Tout noir

Dans l'appartement, qui était «en bordel», il n'y avait pas de lumière, hormis celle projetée par un grand téléviseur qui jouait à tue-tête.

L'homme, qu'elle identifie comme étant Chemama, lui a brusquement baissé son pantalon et a commencé à lui faire un cunnilingus douloureux, en la mordillant. Elle lui a dit d'arrêter, mais l'homme est devenu violent. Il a enfilé des gants de cuir noir et l'a prise à la gorge.

«Il m'a dit de me la fermer et de le laisser faire ce qu'il voulait, sinon il allait me tuer. Il a dit qu'il me lancerait en bas du quatrième, sur la voiture de mon chauffeur. Il n'a jamais lâché mon cou.»

Craignant de se faire tuer, elle a fini par se laisser faire. «Je n'aurais pas pu me sauver de cet appartement. Il m'aurait rattrapée», croit-elle.

Elle a raconté avoir été contrainte de lui faire une fellation et de subir une pénétration, les deux sans condom.

La relation a duré environ 10 minutes, estime Justine. Mais Chemama avait payé pour une heure et refusait qu'elle parte. Il lui a donné des conseils pour ne pas tomber enceinte, avec la pilule du lendemain.

Elle a constaté que son «niveau de colère» avait baissé. Elle a calculé qu'en "étant son amie», elle allait réussir à s'en sortir.»

Elle a parlé avec lui, puis a négocié son rhabillage. «Un morceau par cinq minutes. Un bas. Un autre bas. La culotte après une demi-heure...», a-t-elle raconté.

Elle a fini par partir. «On s'est donné deux becs sur la joue, et je suis partie. Dans l'ascenseur, tout le stress est sorti. Je ne voyais plus, je tremblais.»

Justine était en pleurs quand elle a retrouvé son chauffeur. «J'ai rappelé l'agence et j'ai demandé qu'ils me trouvent un autre client tout de suite. Pour pas que je reste avec la peur de retravailler. C'était mon seul moyen d'avoir des sous à l'époque», a raconté Justine.

Justine n'a pas porté plainte tout de suite. «On m'avait enlevé mes enfants et j'avais peur que la DPJ sache que je faisais de l'escorte», a-t-elle expliqué.

Elle l'a fait en décembre, après avoir vu dans le journal un article signalant que Chemama avait agressé d'autres escortes.

Fin de la preuve de la Couronne

Hier, le procureur de la Couronne Matthew Ferguson a annoncé qu'il avait présenté ses derniers témoins.

La semaine prochaine, ce sera au tour de M. Chemama de présenter sa preuve, s'il le désire. Il est à noter qu'en raison de son comportement désordonné, le juge a été contraint de l'expulser de la salle d'audience à plusieurs reprises. M. Chemama se représente seul, mais un ami de la Cour, Me Luc Trempe, est présent.