Le présumé terroriste montréalais Chiheb Esseghaier, qui exige déjà d'être jugé selon le Coran, a refusé hier que ce soit une femme qui lui passe les menottes au terme de sa comparution à Toronto. Accommodement qui lui a été accordé sur-le-champ.

«Vous n'êtes pas ma femme», a protesté Chiheb Esseghaier lorsqu'une agente correctionnelle s'est approchée pour lui passer les menottes et le raccompagner hors de la salle d'audience.

Arguant qu'il refusait que toute autre femme hormis son épouse puisse le toucher, c'est finalement un collègue masculin de l'agente qui a pris le relais sans sourciller.

Chiheb Esseghaier, un brillant chercheur doctorant de 31 ans spécialiste des nanosenseurs, a été arrêté le 22 avril dernier par les policiers de la GRC et les agents du SCRS alors qu'il était attablé au McDonald's de la Gare centrale à Montréal.

L'homme vivait comme un itinérant, passant une grande partie de son temps dans les couloirs du métro, ce qui avait compliqué les opérations de filature, avait alors appris La Presse.

Son complice présumé Raed Jaser subissait simultanément le même sort à Toronto, tandis qu'un troisième individu, Ahmed Abassi, considéré comme le mentor, était arrêté à l'aéroport JFK de New York par le FBI. Cet ex-étudiant de l'Université Laval, qui rêvait, dit-on, de constituer un réseau international terroriste, est toujours détenu aux États-Unis, mais dans le cadre d'un autre complot.

Selon la poursuite, Esseghaier et Jaser avaient échafaudé une attaque qui ciblait la ligne VIA Rail reliant Toronto à New York. Leur plan aurait consisté à faire exploser le convoi ferroviaire au moment où il franchissait la rivière Niagara, précipitant dans l'eau wagons et passagers.

Les deux hommes auront leur procès en Cour supérieure de l'Ontario, sans faire l'objet d'une enquête préliminaire. Ils devront répondre de plusieurs accusations, dont celles de complot pour meurtre au profit d'un groupe terroriste et de participation à un groupe terroriste.

Toujours sans avocat

Lors de sa comparution, hier, Chiheb Esseghaier n'avait toujours pas d'avocat. Tout comme lors de ses apparitions précédentes, il a refusé d'être jugé en vertu du Code criminel canadien, considéré comme indigne parce que créé par des humains.

«Le seul livre qui est parfait, c'est le livre saint», a-t-il justifié.

Cette volonté persistante d'être jugé et défendu selon le Coran l'empêche de trouver un avocat apte à le représenter selon ses exigences religieuses.

Selon son père qui vit en Tunisie, Esseghaier aurait été radicalisé au Québec. Il a déjà aussi confié à La Presse avoir transmis à son fils les coordonnées d'une avocate. En vain.

Quant à Raed Jaser, 35 ans, il est défendu par Me John Norris, connu pour avoir défendu Omar Khadr. L'avocat a déposé hier une requête de libération conditionnelle de son client, qui sera entendue le 21 octobre prochain.

- Avec La Presse Canadienne

Un refus au Québec

«On ne donnerait jamais une suite favorable à une telle demande au Québec, et nous nous y opposerions avec vigueur si le cas se présentait», réagit Stéphane Lemaire, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels. «On ne doit pas se laisser influencer par des considérations religieuses», estime le chef syndical, en réaction au refus de Chiheb Esseghaier d'être touché par une agente lors de sa comparution à Toronto. Le jeune scientifique accusé de terrorisme n'avait pas formulé ce genre d'exigence lors de sa première comparution à Montréal, dans la foulée de son arrestation. Au cabinet du ministre de la Sécurité publique Stéphane Bergeron, on mentionne qu'il n'y a pas de directive à ce sujet. Les constables spéciaux (qui assurent la sécurité dans les palais de justice) appliquent les procédures de travail requises lors d'une telle intervention sans égard au genre de la personne. Autrement dit, une telle demande serait refusée.