La façon dont Jeffrey Delisle a été jugé pourrait avoir de lourdes conséquences et potentiellement aggraver les dommages provoqués par cet ancien sous-lieutenant, selon Michel Juneau-Katsuya, un expert des services secrets.

Le quadragénaire a écopé d'une peine de 20 ans de prison, en février dernier, après avoir été reconnu coupable d'avoir vendu des informations classifiées aux Russes pendant une période de quatre ans ayant débuté en 2007.

Il avait été épinglé, en janvier 2012, grâce au FBI qui avait fourni des indices au Service canadien du renseignement de sécurité.

Après des mois de surveillance, le SCRS avait mis la Gendarmerie royale du Canada au parfum pour qu'elle se prépare en prévision d'une inculpation.

L'armée n'a eu vent de l'affaire qu'au moment où l'enquête était avancée et qu'une poursuite était sur le point d'être lancée.

Selon une évaluation militaire nouvellement déclassifiée, «tous les responsables gouvernementaux liés aux dossiers de la sécurité et des services secrets devraient être mis au courant des alternatives disponibles pour poursuivre les suspects encadrés par le Code de discipline militaire afin que le recours automatique à des mécanismes plus appropriés pour les civils soit évité».

Quand quelqu'un se joint aux Forces armées canadiennes, il doit se soumettre à un système de justice totalement séparé lorsqu'il porte l'uniforme et se trouve sur la base.

Toutefois, les infractions commises à l'extérieur de ce lieu de travail peuvent être jugées par des tribunaux civils.

Les règles propres aux cours martiales accordent une large latitude par rapport aux preuves qui sont présentées publiquement et à celles qui demeurent secrètes.

Selon M. Juneau-Katsuya, il aurait été dans l'intérêt du Canada de poursuivre Jeffrey Delisle devant un tel tribunal parce que les détails dévoilés à travers le système civil ont démontré clairement les faiblesses existant au sein des services secrets nationaux.

Il a précisé que «le public n'a pas besoin de connaître l'ensemble de ces détails».

Le spécialiste a ajouté que ce qui est dévoilé à la population en général vient aussi aux oreilles de ceux qui sont mal intentionnés. Ils sont capables de «faire mieux quand ils décident de frapper de nouveau».

C'est, selon Michel Juneau-Katsuya, «la faiblesse des procédures menées devant les tribunaux civils».