Un Québécois qui a passé huit ans et demi de prison en Thaïlande pour trafic de drogue mais qui affirme avoir été incité au crime par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n'aura pas le dédommagement qu'il réclame.

La Cour suprême du Canada a refusé jeudi d'entendre l'appel d'Alain Olivier, un ancien toxicomane ciblé par le GRC et arrêté en Thaïlande en 1989 après une vaste opération policière.

À l'époque, des agents doubles de la GRC entrent en contact avec lui, prétendant être des trafiquants de drogue cherchant une source d'héroïne dans ce pays d'Asie du Sud-Est.

M. Olivier se rend finalement en Thaïlande pour servir de pont entre ces agents infiltrateurs et un trafiquant d'héroïne local qu'il avait connu dans un voyage auparavant.

Il est alors arrêté par la police thaïlandaise, tout comme son complice sur place. L'opération tourne mal et un policier meurt.

M. Olivier, aujourd'hui âgé de 53 ans, allègue qu'il n'aurait jamais participé à une telle activité criminelle si la GRC ne l'avait pas poussé à le faire. Il affirme avoir été terrorisé et manipulé, laissé avec l'impression qu'il pourrait être tué s'il ne se pliait pas aux volontés des agents doubles.

Il demande 47,4 millions $ en dommages et intérêts.

«S'il y a une cause qui méritait que la Cour suprême se penche là-dessus, c'est bien cette cause-là», s'est désolé son avocat François Audet.

«Je ne sais pas de quels barèmes ils se servent pour décider quelles causes ils vont entendre, mais cette cause-là, c'est une injustice flagrante.»

M. Olivier n'avait pas de casier judiciaire lorsque l'informateur de la GRC le met en contact avec des agents doubles, mais on lui impute par erreur un certain nombre de crimes commis par son frère jumeau. L'erreur a été rectifiée par la suite.

Selon M. Olivier, la GRC s'est aperçue rapidement qu'elle n'avait pas un gros poisson dans les mailles de son filet, mais elle a continué «l'opération Déception» malgré tout.

«Je suis un gars qui plante des arbres, garde-forestier de métier. Je n'ai jamais eu de ticket de ma vie. On m'a pris pour un autre, qui lui avait un passé criminel», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

En Thaïlande, il échappe à une condamnation à mort, mais écope d'une sentence d'emprisonnement à vie.

«J'ai passé huit ans et demi sur un plancher de ciment, j'en ai passé 43 mois, enchaîné, 24 heures par jour», a noté M. Olivier.

Il est finalement transféré au Canada en 1997, puis libéré.

En 2008, le juge Michel A. Caron de la Cour supérieure du Québec a rejeté la requête en dédommagement de M. Olivier, concluant qu'il avait été l'artisan de son propre malheur.

Son appel a été rejeté en janvier 2013.

En s'adressant au plus haut tribunal du pays, il jouait en principe sa dernière carte. Mais ses avocats n'entendent pas en rester là et déposeront une nouvelle permission d'en appeler la semaine prochaine auprès de la juge en chef Beverly McLachlin.

L'un des juges qui a rejeté la requête de M. Olivier en Cour d'appel du Québec, Richard Wagner, est issu du même cabinet d'avocat que le juge de première instance, Michel A. Caron, soit Lavery, de Billy (aujourd'hui Lavery). Selon M. Audet, M. Wagner aurait dû se récuser et ne pas se pencher sur le dossier.

M. Wagner fait désormais partie des neuf magistrats siégeant à la Cour suprême.