L'absence de Laurent Raymond a créé toute une commotion ce matin au palais de justice de Montréal. Les victimes de M. Raymond et leurs parents sont sortis en furie et scandalisés de la salle d'audience, après que le juge Jean-Pierre Boyer ait avalisé l'absence de l'accusé pour motif humanitaire, ait reporté l'affaire au 7 juin, et ait signalé qu'il s'agissait «d'un dossier comme un autre.»

Laurent Raymond, 21 ans, a plaidé coupable en septembre dernier à une accusation de conduite dangereuse ayant causé des lésions à trois adolescentes de 16 ans. Le drame est survenu la nuit du 24 juillet 2010. Alors qu'il roulait à haute vitesse, M. Raymond a foncé dans un arbre, à l'angle des rues Canora et Graham, à Mont-Royal. Les trois jeunes filles qui prenaient place à bord de sa voiture ont été très gravement blessées. L'une d'elles, Justine Rozon, doit être nourrie par intraveineuse depuis, parce que son petit intestin a pratiquement été détruit.

Elle n'était pas présente ce matin, car elle est hospitalisée de nouveau. Mais ses parents, de même que les deux autres victimes, Evelyne Méthot et Claudia Di Iorio, et leurs parents, y étaient également.  Tous s'attendaient à ce que les représentations procèdent, à commencer par la procureure de la Couronne, Sylvie Dulude. Celle-ci a été renversée quand l'avocat de l'accusé, Me Jaclyn Turcot, a annoncé que son client était au cégep, plutôt qu'à la Cour. Me Turcot a motivé cette absence par le fait que les parties en étaient finalement arrivées à une suggestion commune pour la peine, qu'il n'y avait plus d'urgence, et que M. Raymond voulait finir sa session au cégep. La suggestion commune est de trois ans de pénitencier et de cinq ans d'interdiction de conduire. Me Turcot a proposé de reporter les représentations après le 7 juin, afin que M. Raymond puisse finir sa session.

«C'est vrai qu'il a une suggestion commune, mais je me vois complètement outrée qu'il dise à son client de ne pas être présent pour la sentence, s'est offusquée la procureure de la Couronne Sylvie Dulude. Je n'ai jamais vu ça en vingt ans de pratique», a-t-elle dit en soulignant que les victimes et leurs parents étaient là, qu'ils s'étaient préparés psychologiquement, et que certains n'avaient pas dormi de la nuit. Elle a demandé au juge d'ordonner que l'accusé se présente aujourd'hui même.

Le juge a décrété une pause pour faire «baisser la vapeur un peu.» À son retour, il a accepté l'absence de l'accusé pour cause humanitaire, et a reporté l'affaire au 7 juin, comme le demandait la défense. La procureure de la Couronne Dulude a tenté d'obtenir que les représentations se tiennent au moins le 29 avril, une date qui avait été retenue depuis longtemps pour les représentations. Mais le juge a refusé net et s'est même emporté un peu quand Me Dulude a insisté.

«Je suis tout à fait à l'aise de reporter au 7 juin. Il va s'en aller au pénitencier pour trois ans, le 7 juin, a tonné le juge, en disant toutefois comprendre le désarroi des gens. Un peu après, il a ajouté : «je m'excuse de le dire, mais c'est un dossier parmi tant d'autres. C'est sûr que quand c'est ton enfant qui est impliqué c'est ton dossier, mais il faut y aller avec l'esprit pratique.»

Nicolas Di Iorio, père de la victime Claudia Di Iorio, s'est alors levé et a commencé à parler, mais le juge l'a interrompu et l'a fait taire. Les gens sont sortis en colère.

Fâchés

«Nos filles étaient ici, nous aussi. Tout le monde a pris congé pour venir aujourd'hui, sauf M. Raymond. Il se défile. On est dans un système judiciaire qui est complètement déjanté», fulminait Michel Méthot, père d'une des victimes, en sortant de la salle d'audience.

«C'est vraiment une insulte à nous et à Justine. Ça fait des jours qu'on stresse. Se présenter ici ce matin était très difficile», a fait valoir, Evelyne Méthot, une des victimes.

«Un dossier parmi tant d'autres. J'ai eu beaucoup de difficultés à regarder un juge me dire ça. J'en tremble encore», a pour sa part fait valoir Claudia Di Iorio.

«Aujourd'hui on voit Claudia belle, mais on ne sait pas tout ce qu'on a vécu parce que ce n'est pas quelque chose qu'on vit en public. Lui (l'accusé) aujourd'hui, il n'est pas là, et on ne réagit pas. Qu'il vienne et qu'il fasse face à la justice», sanglotait Nicolas Di Iorio, père de la victime Claudia. M. Di Iorio est avocat, tout comme le père de l'accusé.

Pour Josée Turcot, mère de Justine Rozon, c'est «l'insulte suprême» que M. Raymond ne se soit pas présenté.