Qualifiant les circonstances du drame de «très tristes», la juge Sophie Bourque a déclaré Ellen Dennett coupable du meurtre non prémédité de Kathleen Livingstone, cette septuagénaire en fauteuil roulant poignardée à mort dans son domicile de Brossard, en juin 2011. Le tribunal a écarté la suggestion de la défense, qui voulait réduire l'accusation à celle d'homicide involontaire.

Le fils de la victime, Robert Livingstone, a crié son soulagement lorsque le magistrat a prononcé la dernière phrase de son jugement de 21 pages, vendredi matin, au palais de justice de Longueuil. Les amies de Kathleen Livingstone, assises dans la première rangée, ont essuyé leurs larmes.

La juge Bourque s'est rendue à la suggestion commune des avocats et a infligé la peine minimale à Ellen Dennett, c'est-à-dire la prison à vie avec possibilité de libération dans dix ans.

Invitée à prendre la parole avant de quitter le box des accusés, Ellen Dennett, 59 ans, s'est dite «réellement désolée» pour la «souffrance» qu'elle a causée. «J'accepte la responsabilité de mes gestes et je vais purger ma peine», a-t-elle dit calmement, vêtue du manteau brun qu'elle portait pendant le procès.

La «triste histoire» d'Ellen Dennett a commencé à l'automne 2010 lorsque le fils de la victime, Robert Livingstone, a communiqué avec elle sur le site Facebook parce qu'ils avaient de la parenté en commun. Ils ont peu à peu développé une relation virtuelle, lui à Montréal, elle à Los Angeles, en Californie.

Lors de leurs conversations sur Skype, Robert Livingstone s'est présenté comme un travailleur social auprès d'enfants en difficulté. Il lui a présenté sa mère. Ellen Dennett lui parlait de son travail d'assistante médicale et de sa fille unique, d'âge adulte. Ils se sont avoué leur amour.

À la demande de Robert Livingstone, Ellen Dennett, qui a grandi à Montréal, a entrepris des démarches pour venir vivre avec lui au Canada. Il devait venir la chercher à l'aéroport de Los Angeles pour la ramener à Montréal en camion, mais à deux reprises, il lui a posé un lapin. «Elle a alors commencé à réaliser qu'il ne viendrait pas et que sa magnifique histoire d'amour n'était que de la fumée», écrit la juge Bourque dans son jugement en anglais.

Ellen Dennett a communiqué avec la mère de Robert Livingstone, qui lui a dit la vérité: son fils n'était pas travailleur social,  il était sans emploi depuis quatre ans et il ne conduisait pas de camion. Comme elle avait déjà quitté son travail et résilié son bail, Ellen Dennett a décidé de venir au Canada malgré tout pour comprendre ce qui s'était passé avec son amoureux virtuel.

À la demande de Kathleen Livingstone, qui avait besoin d'aide à la maison, elle s'est installée avec elle dans son domicile de Brossard le 9 mai 2011. Robert Livingstone, lui, était parti vivre dans un refuge à Toronto. La relation entre les deux femmes, bonne au début, s'est graduellement détériorée. Selon Ellen Dennett, la femme de 78 ans la critiquait sans cesse.

Le matin du 23 juin, alors qu'Ellen Dennett faisait des travaux au sous-sol, la victime lui aurait demandé de l'accompagner à l'extérieur et l'aurait critiquée pour avoir laissé la porte du sous-sol ouverte. Comme elle l'avait déjà fait dans le passé, elle lui aurait reproché d'avoir quitté sa fille pour venir à Montréal.

«Furieuse» et voulant qu'elle «arrête de parler», Ellen Dennett l'a poussée en bas des escaliers. Elle est allée chercher un couteau à la cuisine et l'a poignardée. Lorsque le couteau s'est cassé, elle est allée en chercher un deuxième pour achever Mme Livingstone. Elle a ensuite réservé une chambre d'hôtel dans le Vieux-Montréal avec la carte de crédit de la victime. C'est là que les policiers l'ont arrêtée, quatre jours plus tard.

L'avocat de la défense, Me Guiseppe Battista, a plaidé la provocation, arguant que l'accusée avait agi de façon «soudaine» sous le coup d'un «accès de colère». La juge Sophie Bourque a rejeté cette thèse, concluant que le commentaire de la victime n'était pas de nature à priver une personne ordinaire du contrôle sur soi.

Le procureur de la Couronne, Me Sacha Blais, était d'accord pour imposer la peine minimale à l'accusée étant donné l'absence d'antécédent judiciaire et les circonstances du drame.

Les yeux rougis, mais le sourire aux lèvres, Robert Livingstone s'est dit «soulagé» à sa sortie de la salle d'audience. «Il y a 40 ans, notre famille a perdu confiance en le système de justice, mais aujourd'hui, nous l'avons regagnée», a-t-il dit avec un fort accent écossais. Sa soeur, Linda Livingstone, est morte dans l'incendie criminel du Café Bluebird, en 1972.