Une bagarre entre coaccusés réprimée avec du gaz poivre, un accusé qui exhibe pompeusement le texte tatoué sur son bras, un autre qui refuse obstinément de se lever parce qu'il se sent plus en sécurité assis...

La première ouverture du terme des assises criminelles de l'année 2013 s'est déroulée en dents de scie et sous le signe de la bizarrerie, lundi à Montréal.

L'ouverture du terme, un exercice qui se tient tous les deux mois sauf l'été, vise à fixer la date du procès de ceux qui, par choix ou par obligation, seront jugés devant jury plutôt que par un juge seul. C'est le juge coordonnateur de la Cour supérieure, André Vincent, qui présidait la séance.

À un certain moment, quatre détenus coaccusés dans une affaire de meurtre devaient comparaître devant le juge pour qu'on fixe la date de leur procès. Mais avant qu'ils entrent dans la salle d'audience, des bruits de bousculade ont retenti. L'un des accusés venait de se faire attaquer, et les agents ont utilisé le gaz poivre pour maîtriser la situation. Peu après, un agent est entré en toussant dans la salle d'audience et a indiqué au juge que les comparutions devaient être suspendues pendant environ une heure et demie, le temps de décontaminer les lieux.

Quand la situation a été rétablie, les quatre accusés ont été placés séparément dans le grand box vitré. Ce qui n'a pas empêché l'un d'eux de dire sa façon de penser à la cible de l'agression, assis de l'autre côté d'une vitre. Et ça ne relevait pas du compliment.

À un autre moment, Louis-Philippe Raby, accusé de menaces envers des juges, est entré dans le box en tenant la manche droite de son chandail relevée jusqu'à l'épaule. Une inscription s'étalait sur son bras, et il tournait dans le box, manifestement pour la montrer à tout le monde.

«Armand Vanasse Lord. Gaétan Raby Lord!», a-t-il lancé tout haut sans raison. Quand le juge Vincent lui a demandé ce que ces paroles voulaient dire, l'accusé a répondu «ça vous regarde pas». Le juge trouvait au contraire que ça le regardait puisqu'il commençait à se questionner sur l'aptitude du prévenu à avoir son procès. Le magistrat a finalement ordonné que M. Raby soit envoyé en évaluation psychiatrique à l'Institut Philippe-Pinel.

«Des jours comme ça»

Un autre homme, accusé de vol, a refusé de se lever pour sa comparution. Il a expliqué qu'il se sentait plus en sécurité assis. Il a gardé le silence à plusieurs questions du juge et a parlé à un certain moment de mascarade (monkey business). La comparution a été reportée, et l'homme sera entre-temps gardé en observation à l'infirmerie de la prison.

Peu après, c'est Sylvain Gaudreau qui est entré dans le box. Le quinquagénaire est accusé d'avoir brutalement attaqué deux hommes en pleine Cour d'appel, en août 2010. L'homme se défend seul, et il n'est jamais prêt à avoir son procès. C'est toujours compliqué. Hier, il a expliqué qu'il avait fini par trouver un avocat, mais ce dernier lui aurait annoncé le 21 décembre qu'il déménageait et se consacrerait désormais seulement au droit civil.

«Ça fait huit fois que le dossier vient devant moi», a lancé le juge Vincent.

«Qu'est-ce que vous voulez que je fasse?», a rétorqué l'accusé, qui ne semble nullement pressé d'être jugé.

M. Gaudreau retournera pour la neuvième fois devant le juge Vincent le 4 mars, à la prochaine ouverture du terme.  

«Il y a des jours comme ça», a philosophé le juge Vincent.