Le père qui a oublié son enfant dans une voiture à Saint-Jérôme en 2016 tend la main à celui qui a vécu le même drame vendredi dernier, à Montréal.

« Je te comprends. » Ces trois mots, Simon* aimerait pouvoir les adresser au père du bambin de 6 mois retrouvé inanimé dans une voiture, où il avait vraisemblablement été oublié toute la journée. Simon, c'est le papa de Saint-Jérôme. Son histoire, qui remonte à l'été 2016, tout le Québec s'en souvient. C'est la même que celle qui est survenue vendredi dernier.

« Peut-être pas là. Peut-être dans deux mois, dans trois. Peu importe. S'ils en ont besoin, ils ne me dérangeront pas. Je suis disponible pour eux. » Simon a accepté de livrer son message aux parents endeuillés par l'entremise de La Presse. « Il n'y a absolument rien que je puisse leur dire maintenant qui leur fera du bien », prévient-il.

« Mais, oui, on peut survivre. »

Simon était au camping pour le long week-end lorsqu'il a été informé du drame qui venait de se produire à Montréal. Après le travail, un papa s'est rendu à la garderie pour récupérer son garçon. L'enfant n'y était pas. Personne ne l'avait déposé. Le père a ensuite découvert son poupon, inerte, dans sa voiture, où il se trouvait fort probablement depuis le matin.

« N'AYEZ PAS PEUR DE DEMANDER DE L'AIDE »

« Je regardais l'heure et je m'imaginais moi, à la même heure, relate Simon. Ces deux personnes, ce soir-là, je connaissais parfaitement leur souffrance. » Simon a oublié son bébé de 11 mois dans son auto, le 17 août 2016. Ce jour-là, il croyait l'avoir confié à la garderie. Il avait reconduit ses deux plus vieux au camp de jour et était retourné au travail.

Il avait réalisé l'horreur, lui aussi, en voulant récupérer son plus jeune à la fin de la journée.

« Dans la société qu'on est, il n'y a personne qui sait quoi faire avec ça. C'est ce dont je me suis aperçu. C'est assez tabou. Il y a peu de ressources pour nous aider là-dedans. » - Simon

Au bout du fil, Simon est calme. Il revient de loin. La grande tempête qui a suivi l'inimaginable, lui et sa femme l'ont traversée. Le cheminement est long, nécessaire, soutient-il.

« Tu vas comprendre que c'est un accident, reprend-il, s'adressant de nouveau au papa de Montréal. J'ai probablement été le dernier à le comprendre. Je le comprends, lui. Je la comprends, elle. S'ils ont d'autres enfants... Accrochez-vous à eux. N'ayez pas peur de demander de l'aide, que ce soit à vos proches, à des thérapeutes. Peu importe. De l'aide. »

DU TEMPS

Simon en a trouvé, lui. Il en reçoit encore de temps à autre. Comme après ce week-end, après avoir appris la nouvelle. « Il va y avoir des hauts et des bas, et c'est normal. C'est normal de trébucher, ça m'arrive des fois et ça va arriver pour le restant de mes jours... Avec le temps, ça va s'atténuer. Mais, oui, il faut prendre le temps », assure-t-il.

Le père de famille de Saint-Jérôme ne veut pas « sonner cliché », mais le temps, c'est ce qu'il lui a fallu pour apaiser sa peine. « Ça fait mal, tu n'as pas le choix de l'accepter », affirme Simon. « Je hais le mot "accepter". Il faut plutôt que tu vives avec », nuance-t-il. 

« La douleur, il va toujours en avoir. Quand une crise te pogne, tu la vis. Après, tu fais d'autres choses. » - Simon

« Il faut suivre son instinct, se respecter. » Les paroles de Simon s'enfilent. « Il faut aussi lâcher les autres et ce qu'ils pensent... Si toi, ça te fait du bien de prendre un [morceau] de linge de ton enfant et de le bercer le soir, bien fais-le. Ça peut être bon, ça peut être mauvais. Ce n'est pas grave. C'est ce qu'on appelle travailler son deuil. »

Il a aussi des pensées pour la mère. « Elle aussi, elle a perdu un enfant », dit-il.

DE L'ESPOIR

Le bébé du couple aurait eu 3 ans cet été. « Et la petite va avoir 6 mois », précise Simon. Parce que lui et sa femme ont « choisi » de redonner la vie. Les poupons qui naissent après la mort d'un enfant sont appelés des « bébés arcs-en-ciel », explique Simon. L'arc-en-ciel apparaît après la pluie, après la tempête. « Je trouve que ça veut tout dire. »

« Avant, je pleurais chaque fois que je pensais à lui. Chaque fois que je voyais une photo de lui, chaque fois que j'entendais le rire d'un enfant, je me mettais à pleurer. Et puis, il y a eu un moment où j'ai vu une vidéo de lui et je n'ai pas pleuré. J'ai souri. J'ai souri de voir sa bonne humeur. » Simon s'arrête et puis reprend.

« Qu'ils prennent le temps... un jour, ça va finir par bien aller. »

* Prénom fictif

Ressources d'aide pour parents endeuillés

Maison Monbourquette : www.maisonmonbourquette.com

Les Amis de Simon : www.lesamisdesimon.com