Un imposant drone, qui effectuait possiblement une livraison à destination de l'Établissement de détention de Montréal (Bordeaux), a été retrouvé hier sur le toit de l'école primaire Ahuntsic, située à deux kilomètres de la prison. L'engin transportait un assez gros colis découvert sur un terre-plein du boulevard Henri-Bourassa.

« C'est certain que ça nous inquiète », a réagi la mère d'une fillette fréquentant l'école, Isabelle De La Huerta, que La Presse a pu joindre. « On lit les journaux, on regarde les nouvelles, on sait que c'est [les drones] un problème grandissant. Si en plus ça se ramasse près de nos écoles... Ce sont des enfants, il faut assurer leur sécurité », a-t-elle ajouté.

C'est un citoyen ayant remarqué qu'une corde pendait du toit de l'école qui a alerté le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), vers 12 h 40. « Une corde qui ressemble un peu à un fil de pêche était rattachée au drone. Au bout de la corde, nous avons mis la main sur un colis », a indiqué une porte-parole du SPVM, Véronique Dubuc.

« Le colis n'a pas encore été ouvert, mais on peut se douter qu'il transporte, par exemple, de la drogue et des cellulaires », a ajouté Manuel Couture, du SPVM. « On peut présumer que c'était à destination de Bordeaux parce que c'est toujours un peu la même façon de faire. Sauf qu'à ce stade-ci, il s'agit seulement d'une hypothèse », a-t-il précisé.

Selon nos informations, l'engin retrouvé sur le toit serait un modèle haut de gamme, équipé des dernières technologies et offrant plusieurs paramètres de vol. Le drone serait aussi muni de batteries intelligentes et de six hélices. Le paquet qu'il transportait mesurerait environ un mètre de longueur, toujours selon nos sources.

«Un fléau grandissant»

Alors que le nombre de livraisons à destination de prisons québécoises explose, l'incident ne surprend pas le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, Mathieu Lavoie.

« À l'Établissement de Bordeaux, on peut parler de plusieurs livraisons par drone par semaine. C'est un fléau grandissant. »

À preuve, selon les données rendues publiques par le ministère de la Sécurité publique, le nombre de drones aperçus ou interceptés près des établissements de détention de la province ne cesse d'augmenter depuis cinq ans. En 2013-2014, les statistiques faisaient état de quatre drones, alors qu'on en compte déjà 180 en 2017-2018 (en date du 31 janvier dernier).

« Plus ça va et plus la technologie permet d'apporter de plus grosses quantités [de drogues] parce que les drones sont plus sophistiqués. Ils sont capables d'apporter des quantités assez phénoménales. On peut même parler de plusieurs livres de substances », précise M. Lavoie. « Le plus souvent, on parle de drogue, de tabac, de cellulaires et de médicaments. »

Près d'une école

L'évènement est d'autant plus préoccupant cette fois, selon M. Lavoie, que l'engin a été trouvé sur le toit d'une école. « Ça démontre le risque pour les populations environnantes », explique-t-il. « On parle d'une livraison, on ne sait pas ce qu'il y avait dans ce colis, mais il y a toujours le risque que ça tombe dans les mains de n'importe qui. »

« C'est urgent d'agir », rappelle M. Lavoie, dont le syndicat interpelle depuis plusieurs mois le gouvernement québécois. « On nous parle de méthodes d'intervention [pour les agents], mais pas d'outils technologiques. [...] On comprend qu'il existe des technologies pour détecter les drones ou les brouiller. Alors, qu'on les mette en place », affirme-t-il.

Le ministère de la Sécurité publique mène des travaux visant la mise en place de différentes mesures pour prévenir « les risques posés par les drones », mais demeure discret sur les pistes envisagées pour ne pas « révéler un plan d'action destiné à prévenir le crime », selon une demande en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels consultée par La Presse.

« On a hâte que le gouvernement prenne des actions même s'il s'agit de mesures temporaires », dit Isabelle De La Huerta, mère d'une élève.

« Il faut régler le problème rapidement. Les prisonniers, ce n'est pas un sujet qui m'interpelle vraiment, mais quand ça affecte la vie de nos enfants, dans le quartier, on se dit que là, on a un problème », dit Mme De La Huerta.

Le SPVM a dit prendre l'affaire « très au sérieux » et la section Crimes de violence de la division Nord mène l'enquête. Les techniciens en identification judiciaire doivent expertiser le colis, à la recherche d'empreintes ou de traces d'ADN, avant de l'ouvrir. Le SPVM pourra confirmer ou non l'hypothèse du colis à destination de Bordeaux lorsqu'il sera ouvert.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse