Les policiers québécois ont perdu la trace de 10 armes à feu dans la dernière décennie, le plus souvent volées à l'intérieur de leur voiture. Six pistolets égarés ou volés à des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) et du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n'ont jamais été retrouvés. Néanmoins, la plupart des policiers fautifs ont écopé de sanctions clémentes.

Vingt-quatre corps policiers du Québec n'ont rapporté aucun vol ou perte d'arme à feu depuis 2006, a appris La Presse à la suite de demandes effectuées par l'entremise de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics l'été dernier auprès de tous les services de police de la province. Trois d'entre eux n'ont jamais répondu à nos demandes. Outre la SQ et le SPVM, seul le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a rapporté la perte d'une arme de service, finalement retrouvée.

Les corps policiers du Québec affichent toutefois un meilleur bilan que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en cette matière, puisque 60 armes à feu ont été déclarées volées ou perdues par les agents de la GRC depuis 2008, dont une mitraillette, des fusils à pompe et une carabine, avait révélé La Presse en août dernier.

Deux armes de service volées au SPVM pourraient toujours circuler dans les rues de la métropole. Malgré les efforts des enquêteurs, ces armes prohibées, un pistolet Kahr 9 mm en 2011 et un Walther P99 Quick Action en 2015, n'ont pas été retrouvées.

Le premier incident - jamais publicisé par le SPVM - est survenu le 1er mars 2011 vers minuit et demi. Un agent du SPVM en civil avait stationné sa voiture de police banalisée dans la rue Saint-Dominique, entre la rue Ontario et le boulevard de Maisonneuve. « Il a laissé son arme de service dans un sac dans la valise de la voiture. Quand il est revenu, le sac qui contenait l'arme n'était plus dans la valise », explique Manuel Couture, porte-parole du SPVM. Personne n'a été arrêté dans ce dossier.

Le 29 avril 2015, une policière se déplaçait dans sa voiture personnelle dans le secteur du Plateau Mont-Royal. Vers 19 h 50, la policière a effectué un court arrêt. En revenant à sa voiture, son coffre arrière était ouvert. Elle s'était fait voler son arme à feu, des chargeurs et des balles qui se trouvaient dans un coffret sécurisé. « L'enquête est toujours en cours, puisque l'arme n'a pas été retrouvée. Deux hommes avaient été arrêtés dans ce dossier, mais aucune accusation n'avait été déposée contre eux », indique M. Couture.

Le SPVM traite « très, très sérieusement » tout cas de perte d'arme à feu, peu importe les circonstances.

Les normes pour la sécurisation des armes à feu sont « très, très strictes », ajoute-t-il, et peuvent mener à des mesures disciplinaires si elles ne sont pas respectées.

Ces deux policiers du SPVM ont-ils été sanctionnés ? Impossible de le savoir, puisque la police montréalaise reste muette à cet égard. « On ne commente pas les mesures disciplinaires. Mais oui, des mesures disciplinaires peuvent être prises, si par exemple il y a des négligences dans un dossier. Si on constate que le policier a mal entreposé l'arme ou a agi de façon négligente dans l'exercice de ses fonctions, oui, il peut y avoir des accusations disciplinaires », affirme Manuel Couture. Le SPVM compte plus de 4500 policiers.

QUATRE ARMES MANQUANTES À LA SQ

Les quelque 5500 policiers de la Sûreté du Québec ont perdu la trace de sept armes à feu depuis 2006, a appris La Presse. Trois d'entre elles ont été retrouvées, mais quatre sont toujours manquantes. Il s'agit de trois pistolets Glock 26 volés en 2007 et d'un pistolet Glock 17 perdu par un patrouilleur l'année suivante. Depuis, aucune arme ne s'est évaporée.

Sur ces sept cas, cinq policiers se sont vu imposer une sanction disciplinaire pour la perte de leur arme de service, allant d'une réprimande à une suspension d'une journée. Un policier a reçu un simple avertissement écrit, même si son arme n'a pas été retrouvée. « Il faut faire la distinction entre un policier qui a été négligent et qui se fait voler ou qui perd son arme et un policier qui respecte les règles et est victime d'un vol », souligne le capitaine Guy Lapointe, de la SQ. 

Les circonstances exactes de ces sept incidents n'ont pas été dévoilées par la Sûreté du Québec, puisque d'autres corps policiers étaient responsables de la plupart de ces enquêtes. 

Ces armes manquantes ont un numéro de série distinct et sont rapportées comme étant perdues au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ), une banque de renseignements centralisée. « Les enquêtes ne seront jamais closes », rappelle Guy Lapointe.

Ces rares cas sont pris « très, très au sérieux » par la SQ, assure le capitaine Lapointe. « Quand un policier se fait voler ou perd son arme de service, il y a une enquête et le dossier est automatiquement soumis au DPCP [Directeur des poursuites criminelles et pénales]. Ensuite, le processus disciplinaire s'enclenche », explique-t-il. Un policier de la SQ n'a jamais été accusé pour cette raison.

Six policiers provinciaux ont été sanctionnés depuis 10 ans pour avoir entreposé incorrectement leur arme de service.

Dans le cas de l'arme à feu du SPVQ perdue en 2008, le commandant Daniel Lemire avait reçu une suspension de 10 jours. L'arme en question n'appartenait pas à ce cadre supérieur, mais ce dernier en était responsable.

- Avec William Leclerc, La Presse