La scène donne froid dans le dos. En bordure d'un chemin de terre, un berger allemand a été laissé pour mort, la gueule fermement retenue et les narines obstruées par du ruban adhésif industriel. Plus loin, une tête et des pattes de cheval gisent sur un tas de déchets. La vermine a commencé à s'attaquer aux restes de la bête. Deux cas de cruauté animale découverts en moins d'une semaine près du chemin du Roi, à Saint-Hippolyte, dans les Laurentides.

« Au début, on pensait que c'était un coyote. On voyait le rouge sur sa gueule, on croyait que c'était du sang. Mais quand on a vu que c'était un chien et que c'était du duct tape qui avait clairement été mis là pour le tuer, j'ai manqué vomir. C'est atroce. »

Sam Huot est encore sous le choc. Vendredi matin, le travailleur forestier et ses collègues sont arrivés avec le mandat de défricher un chemin sur un terrain d'Hydro-Québec. Déjà étonnés de constater à quel point le boisé semble depuis longtemps être utilisé comme un dépotoir de fortune, les grands gaillards habitués aux zones reculées n'avaient jamais fait une découverte aussi choquante.

« J'ai pris une photo et je l'ai mise sur Facebook pour retrouver celui qui a pu faire ça », explique M. Huot. Rapidement, sa photo a été transmise au Groupe Intervention et protection pour les animaux de compagnie du Québec (GIPAC-Q), une organisation dont la page Facebook, qui compte près de 26 000 abonnés, permet de signaler et de dénoncer confidentiellement des cas de cruauté et de négligence envers les animaux.

« Depuis l'ouverture de notre page, il y a trois ans, ce cas-là est celui qui a connu le plus de partages. Malheureusement, on n'a reçu aucune information sérieuse sur ce qui a pu se passer », explique Claire Lessard, cofondatrice de l'organisation bénévole qui reçoit une dizaine de signalements par semaine.

« C'est impossible que personne ne sache rien. C'est sûr que quelqu'un, quelque part, sait quelque chose. Ce chien-là existait quelque part et il n'est plus là. Des gens vont remarquer sa disparition », affirme Claire Lessard.

Non seulement la photo a généré des dizaines de milliers de partages, mais en plus elle a rapidement mené à la découverte d'un autre cas morbide. Un homme a contacté le GIPAC-Q pour signaler des restes de cheval trouvés sur la même route, trois jours plus tôt.

UN CHEVAL DÉMEMBRÉ

Si la chienne ne porte aucune marque de violence ou de mutilation - excepté le ruban adhésif -, le cheval a été découpé en morceaux. Sur place, on ne trouve que la tête, les pattes, les sabots et quelques os. Mélissa Ethier, l'intervenante de terrain du GIPAC-Q, s'est rendue sur place hier après-midi. La dentition du cheval et le pelage de son chanfrein pourraient permettre de l'identifier.

« On va pouvoir vérifier si c'est un cheval qui a été volé », explique-t-elle en pointant la tête qu'elle vient de prendre en photo.

« On va envoyer ça à notre vétérinaire. Ça semble être un jeune cheval, selon les dents, et ses sabots sont bien entretenus. Mais même si c'est le propriétaire qui a tué son cheval pour la viande, tu ne viens pas le porter ici, sur un tas de déchets », laisse-t-elle tomber.

« Les cas ne me surprennent plus, mais chaque fois, je me demande comment on peut faire ça », dit Mélissa Ethier, intervenante du GIPAC-Q.

Le chien fait partie des cas très cruels dénoncés au GIPAC-Q, « mais malheureusement, on en a eu des pires que ça », expose de son côté Mme Lessard. Pour ce qui est du cheval, « le scier en morceaux, les mettre dans des sacs et les traîner jusque là-bas, c'est le plus inusité qu'on a eu ». Tout comme pour le chien, les photos ont suscité beaucoup de réactions, mais aucun indice sur l'acte comme tel.

« Quand personne ne nous écrit, on présume que ça doit être le propriétaire qui a posé le geste. Mais encore là, quelqu'un, quelque part, a vu de quoi », avance Mme Lessard, agacée par le mutisme des témoins.

ENQUÊTE OUVERTE ET TÉMOINS RECHERCHÉS

La Sûreté du Québec (SQ) a ouvert une enquête, hier, lorsque le GIPAC-Q a signalé les deux cas de Saint-Hippolyte. Rapidement, une agente est venue sur place, et les restes des animaux ont été ramassés. « La Sûreté a ouvert une enquête pour deux cas de cruauté envers les animaux, et le dossier est pris au sérieux, a confirmé Daniel Thibodeau, porte-parole de la SQ. C'est aussi possible que ça devienne des infractions aux lois provinciales, si on parle, par exemple, de négligence. »

Tout événement de cruauté envers les animaux doit immédiatement être rapporté à la police, rappelle l'agent. « Nous n'avons rien contre les réseaux sociaux, mais l'enquête, c'est la police qui va la faire. »

LA VILLE IGNORAIT LA SITUATION

Appelée à réagir aux deux cas de cruauté envers les animaux découverts sur son territoire, la porte-parole de la municipalité n'avait pas été informée de la situation.

« Je suis très étonnée que personne ne nous ait contactés », a admis la directrice des communications à la Ville, Caroline Nielly, jointe hier soir. Elle assure que la direction fera le suivi à l'interne et contactera la Sûreté du Québec et la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux à la première heure, aujourd'hui.

« Des cas de cruauté sur notre territoire, on ne laissera pas ça sans mesures. C'est une enquête pour la SQ, mais on est aussi là pour s'assurer qu'il y a le respect de notre réglementation », a-t-elle affirmé.

Photo Olivier Jean, La Presse

Mélissa Ethier, intervenante de terrain du Groupe Intervention et protection pour les animaux de compagnie du Québec (GIPAC-Q)