Quelques jours à peine après les attentats de Paris, en novembre dernier, une employée d'une boutique hors-taxes a causé une commotion à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau en passant la sécurité, sans être interceptée, en possession d'un pistolet à plomb imitant parfaitement une vraie arme. Il aura fallu près d'une demi-heure avant qu'elle ne soit appréhendée.

L'incident n'avait pas été rapporté publiquement, mais il a été confirmé à La Presse par l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA), responsable de la sécurité dans les aéroports.

C'est six jours après les attentats de Paris, soit le 19 novembre dernier, qu'une employée d'une boutique a franchi un point de contrôle de l'aéroport avec en sa possession un pistolet à plomb. Sans plus de questions, la femme qui passait quotidiennement à cet endroit avant d'aller à son lieu de travail, près des portes d'embarquement, a pu s'y rendre sans être interpellée.

Une « non-passagère a passé un point de sécurité sans y être autorisée » alors qu'elle transportait une « arme à plomb non fonctionnelle dans son sac », confirme Robert Labbe, conseiller principal au sein de l'ACSTA, responsable du matériel de sécurité et de la formation obligatoire des agents présents aux points de contrôle.

Selon le rapport de l'incident de l'ACSTA obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, l'image du pistolet à l'écran du scanneur à rayons X ressemblait « parfaitement à une arme semi-automatique de calibre 9 mm ».

L'agent chargé de contrôler le personnel et de surveiller l'écran était, toujours selon le rapport, occupé à vérifier les liquides dans les effets personnels d'un collègue lorsque l'image de l'arme dans le sac est apparue. L'employée de la boutique hors-taxes a ainsi quitté le point de contrôle sans être interpellée.

Après avoir réalisé l'erreur commise, l'agent fautif, qui « n'a pas procédé de la façon enseignée lors de l'analyse d'une image à l'aide d'un appareil Xray », précise l'ACSTA, a déclenché l'alarme silencieuse. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Transports Canada et la Sûreté aéroportuaire sont intervenus. Il aura fallu 23 minutes pour repérer l'employée avant de procéder à une fouille.

Malgré tout, le point de contrôle a été clos pendant un peu plus d'une heure et plusieurs boutiques ont fermé temporairement leurs portes, selon le constat d'une ancienne employée de l'aéroport arrivée peu après l'incident, le temps que l'employée soit retrouvée et que la lumière soit faite sur le type d'arme qu'elle possédait.

UN COPAIN « PROTECTEUR »

Selon les documents de l'ACSTA obtenus par La Presse, la femme a confié avoir obtenu l'arme de son « copain très protecteur » qui souhaitait « qu'elle la garde dans son sac à main pour se protéger ».

Le manquement à la sécurité a été classé comme un « risque bas à moyen » par l'ACSTA, qui souligne que ce type d'incident est très rare. Mais elle admet que « des améliorations peuvent être apportées ».

Aucune accusation n'a été déposée contre l'employée au pistolet. 

« On n'a pas de preuve d'intention criminelle, de causer un problème, de causer un incident ou de donner une arme à feu à quelqu'un » - Manuel Couture, relationniste au SPVM

Quant à savoir s'il s'agissait du premier incident du type pour l'employée, il est catégorique : « Oui. Je vous confirme qu'il n'y a pas eu d'autres fois. »

Impossible toutefois de savoir si elle a conservé son emploi à l'aéroport. Joint par La Presse, l'employeur n'a pas voulu divulguer l'information, qu'il juge confidentielle.

L'ACSTA est responsable du matériel de sécurité ainsi que de la formation obligatoire des agents présents aux points de contrôle. À l'aéroport international de Montréal, ces agents sont employés par Securitas, une firme privée de sécurité. Contactée au sujet de l'incident, l'entreprise a redirigé les questions de La Presse à l'ACSTA.

L'AGENT RAPPELÉ À L'ORDRE

L'agent de sécurité affecté au scanneur quand l'employée est passée avec le pistolet « a été soumis à un programme d'amélioration du rendement. Le programme a été complété avec succès et il a pu reprendre ses fonctions », signale par courriel Mathieu Larocque, porte-parole de l'ACSTA. « Nous avons cependant rappelé à l'agent l'importance de maintenir la garde et la surveillance de tels objets jusqu'à l'arrivée des policiers. »

Une ancienne employée d'une boutique de l'aéroport, qui a réclamé l'anonymat par peur de représailles, a expliqué à La Presse que les non-passagers passent par un espace de sécurité qui leur est propre. Grâce à un système de contrôle aléatoire, l'ancienne employée estime avoir « été vérifiée quatre fois, peut-être » en un mois et demi. M. Larocque explique que « Transports Canada a mandaté [l'Administration] pour effectuer le contrôle aléatoire des non-passagers aux portes donnant accès aux zones réglementées des principaux aéroports du pays ». Il précise que « les non-passagers sont contrôlés avec le même type de technologie que les passagers ».

Robert Labbe précise que l'ACSTA « travaille étroitement avec ses partenaires [...] pour mettre en place des améliorations ». Il martèle que « la priorité absolue de l'ACSTA est la sécurité des voyageurs et du personnel de l'aéroport ».