La découverte des restes de Cédrika Provencher a eu des échos à Québec, où deux avocats bien en vue ont joué un rôle actif auprès de la famille de la victime au fil des ans. Me Guy Bertrand a agi comme procureur indépendant à la demande de la famille, et il a formulé 21 recommandations. Quant à Me Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice, il prépare un documentaire sur l'enlèvement en collaboration avec le père de la fillette, Martin Provencher.

Guy Bertrand, cabinet Guy Bertrand, avocats

Qu'est-ce que la découverte des restes de Cédrika change à l'enquête?

C'est certain que la découverte des ossements va faciliter la tâche des enquêteurs. C'est très difficile de poursuivre quelqu'un pour un meurtre quand on n'a pas découvert le corps de la victime et qu'on n'a pas découvert la scène du crime. C'est donc une très bonne nouvelle pour l'arrestation possible d'un ou de suspects.

Vous avez enquêté et parlé à plusieurs informateurs. Est-ce que la découverte de la fin de semaine dernière cadre avec vos constats?

Dans le rapport, nous disions qu'il y a eu 342 informations, qu'on en a gardé 21 et que, du nombre, on en a remis peut-être 10 ou 12 à la Sûreté du Québec. [...] Des 21 informations sur lesquelles on a enquêté, on s'aperçoit aujourd'hui qu'on était sur de fausses pistes, mais des fausses pistes crédibles. Les 21, c'est moi qui les ai interrogées. On s'est rendu à certains endroits, on a creusé dans un boisé.

Vous avez agi comme procureur indépendant, êtes-vous toujours convaincu que cette expérience a été concluante?

Quand on s'est mis à avoir des informations, plusieurs personnes m'ont dit que jamais elles ne parleraient à la police. D'une part parce qu'ils ont des choses à se reprocher. D'autre part, ils ont peur, ayant un casier judiciaire, que la police se mette à enquêter sur eux si l'information n'est pas exacte. Ça prend un canal pour recevoir ces gens-là. Et un procureur indépendant, ce serait un bon véhicule.

L'intervention n'a-t-elle pas prouvé qu'un procureur indépendant n'aurait pas aidé à faire la lumière sur le drame de Cédrika?

Le but du procureur indépendant, dans ce cas-ci, était de trouver des informations pour trouver Cédrika, et non pour trouver le coupable. Pour 170 000$, qui était la plus grosse prime jamais offerte au Québec, et probablement au Canada, on était convaincus que les gens parleraient. Sauf qu'il y a une exception, c'est si la personne agit seule, sans complice. C'est exactement ce qui s'est produit, on va le reconnaître quand on va trouver le coupable. Je suis certain qu'il a agi seul.

Comment évaluez-vous le travail de la police dans l'enquête sur Cédrika Provencher?

J'ai toujours été critique de la police. Toute ma vie, j'ai combattu les corps policiers, les pouvoirs abusifs des policiers et des gouvernements, j'ai fait ma carrière comme ça. Au départ, j'étais très sceptique. Mais les policiers ont été disponibles pour m'aider. La manière dont ils ont reçu les critiques que je leur ai adressées, ils ont constaté qu'ils pouvaient s'améliorer. Dans le dossier de Cédrika, ils ont fait un travail exceptionnel.

Marc Bellemare, Bellemare avocats

Vous avez dit être surpris que Cédrika soit trouvée morte. Pourquoi?

Cela fait sept ou huit mois que je travaille avec Stéphan Parent sur le documentaire qu'on avait annoncé avec Martin [Provencher, père de Cédrika], avec qui on collabore. On a rencontré des dizaines de personnes. [...] Dans l'univers de Cédrika, c'est l'espoir de la retrouver qui l'emportait sur l'hypothèse du décès.

Est-ce que la découverte de la dépouille cadre avec les informations que vous aviez recueillies?

Non, on n'avait aucune indication selon laquelle il y avait un assassinat. [...] On n'avait jamais trouvé de corps, on n'avait jamais trouvé de pièce qui pouvait associer Cédrika à tel ou tel endroit. Encore la semaine dernière, on recevait des appels et des courriels de gens qui disaient l'avoir vue à Baie-Comeau ou à Gatineau. Jusqu'à tout récemment, on recevait des informations à cet effet.

À quel point la découverte du corps est-elle significative pour la suite de l'enquête?

La scène de crime, il faut l'interpréter. Mais est-ce que le crâne a bien été retrouvé sur la scène du crime? Peut-être qu'il a été transporté là par un animal, par une personne, par les vents, par l'eau. [...] Il faut interpréter la scène et, après, il faut essayer de trouver ne serait-ce qu'un cheveu. Un policier m'a dit hier qu'un seul cheveu qu'on retrouve sur la scène de crime qui n'est pas de Cédrika peut nous mener au tueur dans un délai très court.

Vous avez parlé à la famille de Cédrika. Comment encaissent-ils le coup?

Même si c'était une hypothèse réaliste que Cédrika soit décédée, c'est toujours dramatique. C'est un assassinat. Ils sont complètement bouleversés. Ils ont reçu ça en famille.

Ils doivent néanmoins être soulagés de savoir à quoi s'en tenir.

Oui. C'est certain que c'est une étape importante, même si c'est loin d'être terminé. [...] Le fait de voir que la police s'active, c'est aussi une forme de réconfort pour la famille.

Plusieurs enquêtes, dont la vôtre, ont été tenues en parallèle à celle de la police. Est-ce que les policiers ont manqué quelque chose?

Tout le monde comprend que l'alerte AMBER aurait dû être déclenchée, elle ne l'a pas été. Cédrika a été portée disparue et on a compris que c'était une disparition le 3 août. Il y a eu des lenteurs, le maire [de Trois-Rivières, Yves] Lévesque avait concédé à l'époque que la police n'était pas formée pour cela, ça a pris un certain temps pour que la SQ intervienne. Mais personne ne peut dire que si tout avait été fait, on l'aurait retrouvée.»

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES REUTERS

Marc Bellemare