Un policier de la Sûreté du Québec a été arrêté hier à la suite d'une enquête sur la mort de David Lacour, un adolescent qu'il aurait abattu l'an dernier à Sainte-Adèle. Il sera accusé d'homicide involontaire. La SQ l'a suspendu avec solde.

Éric Deslauriers, 43 ans, a été arrêté peu avant 15 h sur son lieu de travail par les enquêteurs des crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le policier travaille au poste de la MRC des Pays-d'en-Haut de la SQ. Il a été libéré sous promesse de comparaître le 10 mars.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a étudié le dossier pendant plusieurs mois avant de porter des accusations. L'enquête indépendante avait été confiée au SPVM.

Dans le mandat d'arrestation du DPCP, on indique qu'Éric Deslauriers « a causé la mort de D.-H.L. [David Huyghes Lacour] en déchargeant intentionnellement une arme à feu sans se soucier de la vie ou de la sécurité d'autrui, commettant ainsi un homicide involontaire coupable ».

Puisque l'acte aurait été commis avec une arme à feu, le policier, s'il est reconnu coupable, est passible d'une peine d'emprisonnement variant entre quatre ans et la perpétuité.

Les faits qu'on lui reproche remontent au 22 janvier 2014. Ce jour-là, Éric Deslauriers aurait entrepris d'intercepter un conducteur, David Lacour, parce qu'il le soupçonnait d'avoir volé un véhicule. En s'approchant de la voiture, l'agent aurait vu le conducteur foncer sur lui. C'est à ce moment-là qu'il aurait fait feu au moins une reprise vers David Lacour. L'adolescent de 17 ans a été atteint au thorax. Il a succombé quelques heures plus tard dans un hôpital des Laurentides.

Cette version policière est toutefois contestée par des amis du jeune qui ont assisté à la scène. « Il a reçu les balles de côté, par la vitre du côté conducteur de l'auto. Je pense qu'il essayait de contourner, pas de foncer sur le policier », avait alors affirmé un des jeunes à La Presse.

Joint hier, Jean-Claude Lacour, père de la victime, était déjà au courant de l'accusation portée contre le policier. Il n'a pas voulu faire de commentaire, mais a admis qu'il avait toujours pensé que quelque chose de « pas correct » s'était passé ce jour-là. Il n'a pas fait de démarches et a laissé l'enquête suivre son cours, cependant.

La famille doit apprendre à vivre avec l'absence de David. « On a perdu un enfant. On a le coeur brisé, qu'on essaie de rapiécer du mieux qu'on peut », a-t-il ajouté.

Pas de commentaires

Appelée à réagir, la Sûreté du Québec s'est contentée de dire que l'agent avait été sanctionné. « Il est relevé de ses fonctions avec solde, conformément aux dispositions de son contrat de travail, a indiqué Christine Coulombe, porte-parole de la SQ. On ne peut pas émettre d'autres commentaires afin de ne pas nuire au processus judiciaire. »

L'Association des policiers provinciaux du Québec, qui représente Éric Deslauriers, s'est également bien gardée d'émettre une opinion. « Il y aura un procès et des développements, mais pour l'heure, on n'a pas rien à dire », a mentionné Laurent Arel, responsable des communications.

D'autres policiers accusés dans le passé

Le policier Allan Gosset a été jugé deux fois pour la mort d'Anthony Griffin, qu'il avait tué d'une balle à la tête en 1987. Au terme de ses deux procès, il a été acquitté d'homicide involontaire.

Le policier Serge Markovic, accusé de conduite dangereuse causant la mort d'un jeune de 14 ans (Paul McKinnon) en 1990, a été déclaré coupable en 1994.

Cinq policiers ont été accusés en lien avec l'arrestation de Richard Barnabé, en 1993. L'homme est mort après avoir passé plus de deux ans dans un coma végétatif. Quatre des cinq policiers ont été déclarés coupables de voie de fait causant des lésions.

Accusé d'homicide involontaire et de voies de fait graves envers Jean-Paul Lizotte, l'agent Giovanni Stante a été acquitté au terme de son procès, en août 2002. Lizotte était mort deux mois après son arrestation, survenue en septembre 1999.

Qu'est-ce qu'un homicide involontaire coupable?

Un homicide involontaire coupable est le fait de causer la mort au moyen d'un acte illégal, sans qu'il y ait intention de causer la mort, résume le criminaliste Richard Dubé. Un homicide involontaire « non coupable » n'est pas un crime. L'avocat est d'avis qu'il est plus difficile d'obtenir la condamnation d'un policier quand il agit dans l'exercice de ses fonctions, surtout quand les faits surviennent dans un contexte de violence. « Ils ont souvent obtenu des verdicts favorables du fait de leur statut d'agents de la paix », reconnaît Me Dubé. Il est à noter qu'une peine minimale de quatre ans est imposée à une personne déclarée coupable d'un homicide involontaire commis avec une arme à feu.