L'accident d'autocar survenu vendredi dernier choque plusieurs chauffeurs d'autobus québécois. Exaspérée par la situation, l'Association canadienne des chauffeurs professionnels d'autobus demande un durcissement des règles entourant la conduite de nuit. Le drame, qui pourrait être une erreur humaine, a causé la mort d'une jeune fille de 14 ans et blessé des dizaines de vacanciers.

Benoit Labonté est chauffeur d'autocar depuis 23 ans. Il ne compte plus les fois où il a failli s'endormir au volant. «Chaque voyage [de nuit] est un combat éternel contre le sommeil.» Selon lui, l'humain n'est tout simplement pas programmé pour conduire aussi longtemps la nuit. «Personnellement, je n'enverrais jamais mes filles sur un voyage de nuit même si je connais bien le chauffeur et qu'il peut être le meilleur chauffeur au monde.» Il ajoute ne pas être surpris de voir qu'une erreur humaine est peut-être à l'origine du tragique accident subi par un de ses collègues vendredi dernier, mais il souhaite que les choses changent.

Tout comme l'Association canadienne des chauffeurs professionnels d'autobus, qui représente une centaine de chauffeurs dans la province.

Revendications

Le président de la jeune association, Gilles Gagné, exige depuis plus d'un an que la réglementation sur les quarts de travail des chauffeurs soit revue.

«Ils [les gouvernements] ne nous ont pas écoutés, et là, ç'a coûté la vie d'une jeune fille.»

Lui-même chauffeur, M. Gagné aimerait que l'on oblige les entreprises de voyage et les propriétaires d'autobus à utiliser deux chauffeurs pour les transports de nuit.

«Les compagnies de voyage jouent tout le temps sur la limite, ils nous mettent des horaires de 18 heures alors que le maximum d'heures à travailler est de 16 heures.»

Conduire debout

Pour rester éveillés, plusieurs chauffeurs nous ont confié avoir mis en place toutes sortes de trucs. Certains conduisent debout, alors que d'autres utilisent des comprimés pour contrer le sommeil. Ils admettent que ces techniques peuvent parfois compromettre la sécurité des passagers.

Ex-animateur vedette, ancien député fédéral et chauffeur d'autocar expérimenté, André Arthur refuse de conduire des autocars la nuit. Il croit que c'est aux clients d'exiger qu'il y ait deux chauffeurs pour les longs voyages nocturnes.

«Ce n'est pas illégal de partir de Québec à 1h30 du matin et de se rendre à New York. Le problème, c'est que les agences de voyages ne semblent pas capables de vendre de la qualité aux Québécois», relate-t-il. «Alors pour sauver 50 piastres sur une fin de semaine, on les fait dormir dans l'autocar, pendant que le chauffeur, lui, qui a passé la nuit à essayer de ne pas dormir, va essayer de passer la journée à dormir, c'est barbare», croit André Arthur.

Le président de l'agence de voyages impliquée dans l'accident d'autocar,

Jaimonvoyage.com, n'a pas la même lecture des événements. André Poulin se défend de faire des voyages au rabais. Il estime respecter toutes les règles mises en place par Transports Québec et Transports Canada. «À chaque voyage, moi, je suppose que tout est en règle avec la compagnie d'autocar et ses chauffeurs.»

En revanche, il admet que le drame de vendredi le pousse à revoir les pratiques de son entreprise.