L'enlèvement d'une nouveau-née à Trois-Rivières, puis les retrouvailles avec ses parents, a ému tout le Québec. Notre équipe a rencontré une amie de la suspecte qui donne sa version des faits. Retour sur une soirée qui a fait vibrer les réseaux sociaux.

Pendant que le Québec entier cherchait la nouveau-née enlevée lundi au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, la suspecte, Valérie Poulin Collins, était au Walmart avec la petite victime, a appris La Presse. Elle achetait des couches avec une amie qui ignorait tout de ce qui venait de se passer, selon le récit de cette dernière.

Rencontrée hier après-midi à son domicile de Trois-Rivières, Jolaine Licata était fébrile. La jeune femme de 19 ans se sentait coupable de ne pas avoir deviné plus tôt que l'histoire d'adoption que Valérie Poulin Collins lui avait racontée était invraisemblable. «Avoir su, j'aurais tout de suite appelé la police», a raconté la jeune femme, en regardant Jason, son fils de 9 mois, jouer au sol, rieur.

Il était environ 19h quand Valérie Poulin Collins, qui a fêté ses 21 ans samedi, a garé sa voiture devant le domicile de Jolaine Licata, rue Phil-Kimball. Jolaine fumait une cigarette sur le balcon avant avec son copain, raconte-t-elle.

Valérie Poulin Collins a décroché le siège d'auto à l'arrière et aurait présenté le poupon endormi à son amie. Elle lui aurait dit qu'elle venait tout juste de signer les papiers d'adoption pour l'enfant, né de parents âgés de 16 ans.

Valérie Poulin Collins aurait précisé qu'elle avait fait sa demande d'adoption il y a deux ans. C'était la première fois que Jolaine Licata entendait parler de ces démarches, mais elle savait que Valérie Poulin Collins, qu'elle connaissait mieux depuis quelques mois, voulait ardemment un enfant.

«Elle était contente, mais aussi vraiment stressée, raconte Jolaine Licata. Elle bougeait ses bras et disait: «J'ai un bébé, c'est nouveau, et je ne sais pas trop comment m'en occuper, je ne sais pas quelles couches prendre.» » Valérie Poulin Collins a gardé le fils de Jolaine Licata à quelques reprises dans le passé. Elle est la cousine du père de Jason.

Selon Jolaine Licata, Valérie Poulin Collins aurait invité son amie à se rendre au Walmart, à trois kilomètres de là, pour acheter les articles nécessaires à la nouveau-née: un sac à couches zébré de couleur rose, un paquet de couches pour nourrisson, des lingettes humides et des «suces 0-6 mois». Elles sont restées au Walmart environ 45 minutes. «J'ai même mangé un wrap au McDo avec elle», a raconté Jolaine Licata, visiblement en état de choc.

Après 20h, Valérie Poulin Collins aurait reconduit son amie chez elle. Ce n'est qu'à 22h30 que Jolaine Licata a ouvert Facebook. Elle a lu l'avis de recherche. Le doute l'a soudain envahie. Puis elle a vu la photo de Valérie Poulin Collins. Son coeur a bondi. «J'ai dit: «Oh my God» », a raconté Jolaine Licata, réalisant que son amie lui avait monté un «méchant bateau».

Jolaine Licata a immédiatement appelé la police de Trois-Rivières. «Ils m'ont dit: «Ne vous inquiétez pas, madame, on a retrouvé le bébé.» »

Selon la Sûreté du Québec, Jolaine Licata a été rencontrée par les enquêteurs ou le sera sous peu.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Jolaine Licata et son fils Jason.

Trois heures d'angoisse

18h

La famille réunie

La petite Victoria, née depuis à peine 16 h, dort dans sa chambre au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières aux côtés de sa mère, Mélissa McMahon, et de son père, Simon Boisclair. Sa grande soeur de 8 ans et ses deux frères de 2 et 5 ans sont en visite pour rencontrer le nouveau membre de la famille.

18h56

L'enlèvement

Une femme qui porte un uniforme d'infirmière entre dans la chambre et dit qu'elle doit peser la petite Victoria. Elle quitte la pièce. «En sortant de la chambre, la femme n'a pas tourné du bon côté», raconte le père de Mélissa, Renald McMahon. Mélissa sent que quelque chose cloche. En moins d'une minute, elle signale l'enlèvement de sa fille et court vers la sortie en espérant la retrouver.

19h

Le branle-bas de combat

L'hôpital appelle la police de Trois-Rivières, qui demande le renfort de la Sûreté du Québec. La SQ ne prend aucun risque: à 19h08, elle déclenche une alerte «Amber». L'avis de disparition inonde les médias sociaux. Pendant ce temps, les agents de sécurité de l'hôpital révisent les bandes vidéo pour trouver des images de la fugitive. «La réaction a été d'agir rapidement», dit Serge Boulard, directeur des communications de l'hôpital. Les parents de Mélissa McMahon, bouleversés, viennent chercher leurs trois aînés pour les amener chez eux, loin du drame qui secoue la famille.

19h à 20h

Walmart

Peu après 19h, la suspecte, Valérie Poulin Collins, 21 ans, se serait rendue chez son amie Jolaine Licata, à Trois-Rivières. Elle aurait sorti de la voiture la petite Victoria et aurait prétendu qu'elle venait tout juste de l'adopter. À sa demande, les deux femmes se seraient rendues au Walmart, à trois kilomètres de là, pour acheter le nécessaire pour la nouveau-née.

Photo La Presse Canadienne/Sûreté du Québec

20h30

Opération recherche

Vers 20h30, Sharelle Bergeron, qui habite à Cap-de-la-Madeleine, voit passer l'avis de recherche de la petite Victoria sur Facebook. La police recherche une Toyota Yaris rouge munie d'un autocollant «bébé à bord». La soeur jumelle de Sharelle, Mélizanne, propose une idée téméraire: «On part à la rescousse du bébé», lance-t-elle à sa soeur, au copain de sa soeur (Marc-André Côté) et à une amie, Charlène Plante, tous âgés de 20 ans. En route, Mélizanne Bergeron regarde son fil Facebook et remarque que la photo de la suspecte a été ajoutée à l'avis de recherche. Coïncidence providentielle: les filles la reconnaissent. Sharelle Bergeron a étudié avec elle au cégep. Autre coïncidence providentielle: Charlène habitait le même immeuble qu'elle, derrière l'hôpital. Le groupe file dans cette direction.

21h30

Les chiens se taisent

Charlène sonne chez le voisin de palier de Valérie Poulin Collins, qui la laisse entrer. La jeune femme écoute à la porte de la suspecte et n'entend rien. Comme les chiens de Valérie Poulin Collins ne jappent pas, elle sait qu'elle est chez elle. Pendant ce temps, Mélizanne appelle le 911. À la demande de la police, elle note le numéro de la plaque d'immatriculation de la voiture de la suspecte, en réalité un Ford Fiesta rouge. Elle confirme la présence de l'autocollant «bébé à bord». «Trois minutes plus tard, une demi-douzaine de voitures de police arrivent, lumières fermées, sans aucun bruit», raconte Charlène Plante.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Charlène Plante et Mélizanne Bergeron.

22h

L'arrestation

Quelques policiers s'introduisent dans l'immeuble. Ils cognent à la porte de la suspecte, puis crient: «On défonce!» Un policier sort rapidement avec la petite pour la conduire à l'hôpital. Plus tard, ils fort sortir Valérie Poulin Collins. «Quand les ambulanciers ont descendu les escaliers avec elle, elle avait l'air dans les vapes, raconte un voisin, Yann Girard. Ils l'appelaient par son nom, elle disait: "Quoi? Quoi?" Les ambulanciers avaient des médicaments dans les mains.» Selon la Sûreté du Québec, les enquêteurs ne l'avaient toujours pas rencontrée hier soir, car son «état de santé» ne leur permettait pas de l'interroger.

22h20

Le retour de Victoria

Les policiers ramènent la petite à ses parents, à l'hôpital. «Ils ont été accueillis par des applaudissements», raconte le directeur des communications de l'hôpital, Serge Boulard. Comme les parents de Victoria voulaient rencontrer les quatre jeunes qui avaient retrouvé leur fille, des policiers les ont conduits à l'hôpital. «Ils étaient vraiment contents, vraiment heureux, raconte Mélizanne. On était tous très émus. La mère nous a remerciés un million de fois.» Ils ont promis de se revoir un jour.

Nuit

Retour à la maison

Les parents de Victoria retournent à leur domicile de Nicolet pour passer la nuit. «On est partis, c'est tout, raconte le grand-père, Renald McMahon. Il n'était pas question de passer la nuit à l'hôpital. Ils ne se sentaient plus en sécurité.»

8h

Un merci sur Facebook

Sur Facebook, Mélissa McMahon remercie les policiers, les quatre jeunes qui ont reconnu la ravisseuse, les journalistes et les citoyens qui ont relayé l'avis de recherche. Puis, elle lance un message aux mamans du Québec. «Ne vous laissez jamais influencer par un uniforme... Je sais que ça peut paraître anodin, mais si je m'étais méfiée plus, tout ça aurait été évité.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

L'immeuble où vit Valérie Poulin Collins.