Le mois dernier, JeanYves Bronze s'est fait voler la seule chose qu'il ne pourra jamais remplacer après une introduction par effraction chez lui: les cendres de sa mère.

«Les voleurs n'ont pas pu se tromper. C'était évident que la boîte renfermait des cendres. Ils l'ont prise volontairement en sachant ce que c'était», rage le Montréalais de 65 ans. Complètement désemparé, il espère maintenant un miracle. Le Service de police de la Ville de Montréal a ouvert une enquête.

Le 28 août, l'homme est rentré chez lui après sa journée de travail pour découvrir que la porte arrière avait été défoncée. Le téléviseur et le lecteur DVD avaient disparu et le chat s'était sauvé. Tout de suite, il a appelé la police.

C'est en montant à l'étage qu'il a compris l'ampleur du crime aussi rare qu'inexplicable dont il venait d'être victime.

Dans sa chambre, le contenu des tiroirs de sa commode avait été renversé pêle-mêle sur son lit. Au premier coup d'oeil, il a cru que les cambrioleurs n'avaient rien pris. Puis, son ventre s'est serré et il s'est mis à chercher frénétiquement le seul objet qu'il ne voyait nulle part: la petite boîte de plastique noir qui contenait les restes de sa mère et qu'il conservait dans sa chambre depuis bientôt 10 ans.

Il a eu beau fouiller partout, elle n'y était plus.

«Les voleurs l'ont sûrement prise par méchanceté, croit M. Bronze. Ils n'ont pas trouvé d'argent ou d'objets de valeur alors ils ont voulu se venger.» C'est aussi la théorie qu'a avancée le policier qui s'est rendu chez le sexagénaire.

Une chose est sûre, le vol était délibéré. Le contenant dérobé n'a aucune valeur. Mais surtout, il était clairement identifié par une étiquette de la maison funéraire Magnus Poirier avec la date, le nom et une photo de la défunte: MarieLouise Lafontaine, morte le 28 novembre 1995 à l'âge de 88 ans, le jour de son anniversaire de mariage.

Complicité

Pour Jean-Yves Bronze, la perte est inestimable. Fils unique et célibataire, l'homme entretenait avec sa mère une relation tendre et complice. Les murs de sa maison sont tapissés de photos de la vieille dame. Lorsqu'elle est morte, il a décidé de conserver les cendres chez lui jusqu'à ce qu'il s'éteigne à son tour.

Son testament était prêt: il allait lui aussi se faire incinérer et ses cendres seraient mélangées avec celles de sa mère pour ensuite être enterrées dans un cimetière de leur patelin natal de Saint-Marc-sur-Richelieu.

«À la place, elle va surement passer les prochaines années au dépotoir, dit M Bronze. C'est d'une tristesse infinie de penser qu'elle a vécu 88 ans pour finir à la dompe. Personne ne mérite ça.»

Le lendemain du cambriolage, le sexagénaire s'est rendu aux bureaux de Magnus Poirier, rue Sherbrooke. «Je me suis dit que si quelqu'un retrouvait la boîte, il la ramènerait peut-être là.» Un mois plus tard, toujours rien.

«Ce genre de vol est très rare, et souvent dirigé pour faire souffrir la victime. Personne ne vole des cendres sans raison», note le vice-président au service à la clientèle de la maison funéraire, Patrice Chavegros.

Cette raison, M. Bronze n'arrive pas à la comprendre. «Un voleur qui a de la classe ne ferait pas ça», laisse-t-il tomber.

L'important pour lui, ce n'est pas de comprendre. C'est de retrouver ce qu'on lui a pris. Il y croit de moins en moins. «S'ils l'ont jetée, je ne la retrouverai jamais. Mais tant que je ne saurai pas vraiment ce qu'ils ont fait avec, il me restera toujours un petit espoir. Je ne serai pas en paix.»