Contrairement à ce que tous croyaient, la jeune Audrey-Anne Dumont ne semblait pas distraite par son téléphone portable lorsqu'elle a effectué sa chute mortelle entre deux wagons du métro de Montréal, le 19 avril dernier. C'est ce qui ressort du rapport d'investigation que la coroner Catherine Rudel-Tessier vient de rendre public et qui n'émet aucune recommandation précise quant à la sécurité dans le métro.

Ce vendredi-là, la jeune femme de 20 ans, originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, attendait le métro à la station Monk, sur la ligne verte.

Quand le train s'est arrêté devant elle, elle s'est avancée et a chuté dans l'ouverture entre deux wagons. Puis le train est reparti.

«Arrivé à la station Verdun (deux stations plus loin) et averti d'un problème (défaut mécanique) qui serait survenu à un pneu porteur, le conducteur du train évacue celui-ci (il est 8 h 28) et se déplace le long des wagons. Une odeur de brûlé attire son attention. C'est alors (à 8 h 32) qu'il découvre le corps sur les rails et qu'il lance l'alarme», écrit la coroner dans son rapport.

La mort était évidente, rien ne pouvait être fait pour tenter de la sauver.

Au moment même du drame, la possibilité d'un suicide a été envisagée par les policiers. Ce type de situation est hélas fréquent. Mais une seconde hypothèse a rapidement circulé.

Les parents et proches de la jeune femme, surtout, croyaient dur comme fer qu'elle avait été distraite par son téléphone intelligent. Peut-être s'affairait-elle à chercher une pièce musicale, et aurait pris l'ouverture devant elle pour une porte ouverte, et s'y serait avancée, tête baissée, avant de tomber. Une hypothèse que la coroner ne rejetait pas à l'époque.

Mais l'étude par celle-ci des images captées par les caméras de surveillance de la station, et ses conclusions, discréditent cette hypothèse.

«Au moment où le train est immobilisé en station et que les passagers montent à bord, elle se tient debout. (...) Elle semble avoir les bras le long du corps et avant d'amorcer un mouvement, elle regarde vers l'avant du train. Alors que les passagers sont tous à bord (elle paraît être seule sur le quai), la jeune fille fait deux pas (il semble qu'elle regarde devant elle ou vers le sol). Au troisième pas, sa jambe gauche tombe dans le vide (elle appuie sa main droite sur le train) et sa jambe droite fléchit. On voit alors son sac à dos heurter le quai. La jeune fille et son sac disparaissent complètement et le train se met en branle. Cinq secondes se passent avant que le train commence à avancer. Les freins d'urgence n'ont pas été actionnés. Personne n'a rien vu. L'examen du train a permis de constater des traces de doigts glissant sur le rebord du wagon «comme si elle avait tenté de se remonter» selon le rapport du Service de police de la Ville de Montréal», écrit la coroner Rudel-Tessier.

Son corps serait resté coincé dans les câbles reliant les wagons, ce pour quoi elle a été emportée par le train.

«Son téléphone cellulaire (un appareil intelligent) est trouvé dans sa poche gauche de pantalon. Elle n'a ni envoyé, ni reçu de messages au moment où elle se trouvait en station. La jeune fille écoutait cependant de la musique», dit la coroner au sujet du téléphone.

Bref, un accident, probablement causé par la distraction, mais pas le téléphone.

Il y a eu 13 chutes du même type depuis 1999, la plupart se produisant devant des témoins qui aident les blessés à remonter sur le quai, et deux décès, dont celui d'un aveugle, rapporte la coroner.

N'empêche que le décès de la jeune femme aurait pu être évité, croit-elle.

«Les quais de la station Monk (...) ne sont pas marqués (15 stations du métro de Montréal seulement le sont et plusieurs marquages devront être effacés lorsque les nouvelles voitures entreront en service) pour indiquer la position des portes des trains. Par ailleurs, les trains MR-63 (les plus vieux du réseau) n'émettent pas de signal de porte. Ces deux dispositifs, installés pour régler les problèmes de fluidité du service (pour réduire le temps d'arrêt en station), permettent d'attirer l'attention des passagers sur la position des portes. Ils auraient peut-être attiré l'attention de Audrey-Anne qui ne serait alors pas tombée.»

Catherine Rudel-Tessier énumère plusieurs mesures envisagées dans le passé pour empêcher l'accès à ce gouffre entre les wagons, toutes s'étant avérées inefficaces. La modernisation du métro devrait corriger le problème, mais pas avant plusieurs années.

«Dans le futur, il faut le préciser, il n'existera plus d'espace vide entre les voitures, puisqu'un soufflet, abritant un passage ouvert entre les voitures, bloquera cet espace sur le nouveau train AZUR que la STM a acquis et qui entrera en service graduellement à compter de 2014», lit-on dans le rapport.

La solution la plus efficace serait l'installation de portes palières, qui forment un mur devant les passages qui attendent le train et empêche toute chute sur les rails. Quand le train entre en station, des portes s'ouvrent vis-à-vis des portes des wagons. La STM le fera, mais dans plusieurs années seulement.

«En raison du plan de remplacement progressif à partir de 2014 des voitures MR-63, puis MR-73 par les nouveaux trains AZUR, l'installation de celles-ci ne pourra se faire sur la ligne orange qu'à compter de 2019 (date où il n'y aura plus de train MR-73 en circulation sur cette ligne) et encore plus tard sur les autres lignes. En effet, les portes des nouveaux trains seront moins nombreuses et plus larges. De plus,elles ne seront pas aux mêmes emplacements que celles des trains qui sont en service à l'heure actuelle», conclut la coroner qui en conséquence, n'émet aucune recommandation particulière.

Photo tirée de Facebook