Un policier de Toronto est sous le coup d'une rare accusation de meurtre en lien avec la mort d'un jeune homme ayant été atteint de plusieurs projectiles alors qu'il brandissait supposément un couteau dans une voiture de tramway déserte.

L'agent James Forcillo a été accusé lundi de meurtre non prémédité en lien avec le décès de Sammy Yatim, âgé de 18 ans, qui est survenu le mois dernier.

La fusillade a été enregistrée à l'aide d'un téléphone cellulaire et sur une bande vidéo de surveillance; on peut y entendre tirer neuf coups de feu, quelques secondes après que l'on eut crié à M. Yatim de lâcher son arme. Les six derniers tirs semblent survenir après que le jeune homme s'est effondré sur le plancher du véhicule. Il est également atteint par une décharge de pistolet électrique.

Il n'est pas possible de connaître le nombre de balles ayant atteint la victime, mais l'Unité des enquêtes spéciales (UES) a affirmé que le jeune homme avait été atteint à plusieurs reprises.

Les vidéos ont soulevé la colère du public, poussant des centaines de personnes à descendre dans la rue lors de deux manifestations, et à réclamer justice pour le jeune homme.

Sa famille a réagi par voie de communiqué, lundi, en disant être satisfaits de l'accusation, mais qu'ils espéraient que l'UES se pencherait sur les actions des supérieurs et celles des autres agents qui se trouvaient sur place «pour leur absence d'intervention dans cette tragédie».

«Plus de 20 policiers en uniforme se trouvaient sur place, et personne ne s'est interposé pour interrompre les tirs ou offrir quelque médiation que ce soit», a écrit la famille.

«Pour la suite des choses, nous nous attendons à une transparence et à une imputabilité complètes. Nous voulons oeuvrer pour que le sang de Sammy n'ait pas été versé en vain et pour éviter à d'autres familles de subir une telle tragédie.»

Si Forcillo est reconnu coupable, il s'agira d'une première pour une accusation de l'UES en Ontario. Depuis la création de l'agence, en 1990, neuf autres policiers ont été accusés de meurtre non prémédité ou d'homicide involontaire, mais un seul a été reconnu coupable, un verdict renversé en appel.

Forcillo a collaboré avec son avocat pour se rendre aux autorités, mardi; il sera alors détenu et comparaîtra en cour, a indiqué l'UES par voie de communiqué.

Puisque le policier a reçu des menaces, l'UES n'a pas voulu dire où il se rendrait. Le président de l'Association de la police de Toronto, Mike McCormack, a dit s'inquiéter pour la sécurité de Forcillo. M. McCormack a souligné que des menaces de mort avaient été émises envers l'accusé.

Peter Brauti, l'avocat représentant Forcillo, n'a pas pu être rejoint pour commenter. Mais M. McCormack a parlé à l'accusé, et a dit que bien qu'il n'était pas surpris par l'accusation, il était déçu.

«Il est bien évidemment choqué par l'accusation, la nature de celle-ci... il est inquiet, a dit M. McCormack. Cela a définitivement eu un impact négatif sur sa vie.»

L'UES, qui enquête sur les décès, les blessures ou les allégations d'agression sexuelle impliquant la police, s'est penchée sur plus de 100 morts par arme à feu depuis 1990.

Parmi ces affaires, on retrouve celle de David Cavanagh, qui fut tout d'abord accusé d'homicide involontaire, avant de plutôt tomber sous le coup d'une accusation de meurtre non prémédité.

L'homme a été accusé après qu'Eric Osawe, âgé de 26 ans, eut été abattu alors qu'une équipe spéciale fouillait un logement de l'ouest de Toronto en 2010. L'avocat de la famille Osawe a affirmé que le jeune homme s'était fait tirer dans le dos.

L'accusation a par la suite été modifiée, mais à la fin d'une enquête préliminaire ce printemps, un juge a décidé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour poursuivre Cavanagh sur la base de l'accusation de meurtre non prémédité, et a abandonné celle-ci.

La Couronne a porté le jugement en appel et demande au juge de rétablir l'accusation d'homicide involontaire.

M. McCormack a cité cette affaire pour souligner que le public ne devrait pas juger trop hâtivement Forcillo.

En plus de l'enquête de l'UES, le chef de la police torontoise a indiqué que le juge à la retraite Dennis O'Connor mènera un examen séparé des procédures policières, de l'usage de la force et de la réponse policière auprès de gens en détresse émotionnelle dans la foulée de la mort de Sammy Yatim.