Le regard hagard, les locataires du 1685 de la rue Grenet, dans l'arrondissement Saint-Laurent, tentaient dimanche de récupérer quelques articles non carbonisés dans leur logement, avec l'air de ne pas trop comprendre ce qui vient de leur arriver. Pas étonnant: depuis jeudi dernier, ils ont été témoins d'un homicide, avant qu'un incendie ne détruise complètement leur immeuble.

Cet immeuble de 20 logements est habité par une multitude d'immigrants aux origines diverses. Ça n'est pas la grande pauvreté, mais on y est aussi loin de la grande richesse.

«Mais c'est un endroit tranquille, où on est bien. Ça fait 30 ans que j'habite ici et il ne s'est jamais rien passé», raconte une mère de famille qui habite au troisième, juste au-dessus du logement de sa mère, où elle a grandi.

Leur calvaire a débuté vers 19h jeudi dernier.

C'est alors que deux résidents, Thierry Bazile et Harry Avil Genelle, auraient eu une violente querelle dans un couloir au second.

On ignore quelle en était la cause, mais ça s'est terminé par le décès du premier, âgé de 39 ans, qui a été poignardé. Avil Genelle, 27 ans, a été accusé d'homicide involontaire.

Vendredi dernier lors de sa comparution, le jeune a été remis en liberté sous condition sans que la couronne s'y oppose, une chose rare en matière d'homicide.

L'homme portait des bandages aux mains, qui pourraient être des plaies de défense. Les enquêteurs de la police de Montréal étudient la possibilité que l'accusé ait pu être d'abord attaqué par son voisin avec une arme tranchante, et se serait protégé avec un couteau.

Le défunt a un casier judiciaire long comme le bras, notamment en matière de voies de fait et menaces.

L'accusé n'en a aucun.

Les locataires de l'endroit connaissaient peu les deux hommes.

Non remis de leurs émotions, samedi soir, tous les résidents ont été évacués d'urgence. Le feu faisait rage chez eux.

«J'ai ouvert la porte, et c'était complètement noir à cause de la fumée. On a été chanceux de pouvoir sortir», raconte la mère de deux fillettes.

Le feu s'est rapidement propagé par les murs et les plafonds. Détruisant presque tous les logements. La structure du bâtiment demeure en bon état, mais les logements sont presque tous des pertes totales.

Policiers et pompiers ont rapidement établi qu'il s'agissait d'un incendie criminel. De l'accélérant avait été jeté au sol et allumé. L'incendiaire a rapidement été retracé à Laval. Après son crime, il aurait en outre commis un vol qualifié et un délit de fuite. Selon les enquêteurs, il n'y a aucun lien entre l'homicide et le feu.

Tous devront trouver un autre toit. Dimanche, ils déambulaient dans les couloirs obscurs, sans éclairage et noircis par la cendre et la suie. Ils enjambaient des débris calcinés pour tenter de gagner leur logement et y récupérer des photos, des télévisions, ou des mangues qui ont échappé aux flammes.

«C'est dangereux d'entrer dans le bâtiment. On ne sait pas trop où on va aller. Nous, on est assurés, mais peu de gens le sont», raconte la dame qui doit trouver un nouveau foyer, avec ses enfants, son époux, sa mère et d'autres membres de sa famille. Pour l'instant, la Croix rouge leur fournit une chambre de motel.

«J'ai vécu dans plusieurs pays. Je suis venu ici via le programme de travailleur qualifié. Je ne pensais pas que ce genre de chose, meurtres et incendie criminel, arrivait ici», déplore Masiar Rahman, qui ira pour un temps vivre chez son frère, avec ses jumeaux et sa femme. Il n'était pas assuré.

«Mais on va devoir trouver autre chose rapidement, il a sa famille lui aussi. Et avec le premier juillet qui approche, ça ne sera pas facile de trouver un nouvel endroit», ajoute-t-il.