Prévu pour le 8 avril, le procès du seul ancien cadre de SNC-Lavalin qui demeure accusé pour la corruption en Libye vient d'être reporté à l'automne prochain, en raison des problèmes de santé de son avocat. Le report permettra aussi de s'éloigner de « l'intensité du débat public actuel » sur cette affaire, souligne le juge.

La demande de report du procès est venue de l'accusé Sami Bebawi, ce qui signifie qu'il renonce à invoquer l'arrêt Jordan de la Cour suprême sur les délais déraisonnables pour tenter d'obtenir un arrêt du processus. Il ne pourra pas se plaindre de la lenteur du processus, puisqu'il est à l'origine du report.

M. Bebawi, ancien vice-président directeur de SNC-Lavalin, est accusé de fraude et de corruption d'un agent public libyen. Il doit avoir son procès séparément de l'entreprise, qui est elle-même accusée en tant que personne morale.

Mais l'avocat de M. Bebawi, Me Jacques Larochelle, connaît des ennuis de santé imprévus qui l'empêcheront de tenir le procès en avril comme il se devait.

M. Bebawi tient tout de même à être représenté par Me Larochelle, qui a déjà absorbé la volumineuse preuve de centaines de milliers de pages en prévision du procès, et qui est reconnu au Québec comme un plaideur redoutable (il a notamment obtenu l'acquittement de l'ancien chef guerrier des Hells Maurice Boucher et de Basil Parasiris, un trafiquant de drogue qui avait tué un policier pendant une perquisition).

« Le droit de M. Bebawi d'être représenté par l'avocat de son choix, même s'il n'est pas absolu, doit être respecté, surtout lorsque les circonstances n'établissent pas qu'il vise à retarder la tenue du procès », a reconnu le juge Guy Cournoyer dans son jugement.

Au coeur d'un débat public intense

Le magistrat voit aussi un avantage à reporter le procès, qui devait s'ouvrir sous peu avec la sélection du jury, alors que l'affaire SNC-Lavalin a plongé le gouvernement Trudeau dans la tourmente.

« L'intensité de la publicité actuelle concerne, en partie, des questions qui feront l'objet du procès de M. Bebawi. »

- Le juge Guy Cournoyer

« Ainsi, cette publicité s'avère susceptible d'influencer un juré et de faire naître un préjugé spécifique ou un préjugé inspiré par le conformisme qui comporte le risque de conduire un verdict reflétant non pas la preuve et le droit, mais les idées préconçues et les préjugés d'un juré », poursuit-il en citant la Cour suprême.

« L'un des bénéfices collatéraux, mais non négligeables, de l'ajournement consiste à établir une période de temps entre l'intensité du débat public actuel et la sélection du jury qui sera appelé à juger M. Bebawi », dit le juge.

« Ce seul facteur n'aurait pas justifié, à lui seul, l'ajournement du procès, mais il s'avère pas erroné d'en constater les bienfaits pour le droit de M. Bebawi à un procès équitable devant un jury impartial », conclut-il.

Le délai permettra par ailleurs au camp de M. Bebawi de conclure l'analyse de 600 000 courriels internes de SNC-Lavalin reçus à la suite d'une demande en divulgation préalable au procès.

En plus des accusations criminelles, M. Bebawi a des problèmes avec le fisc, qui lui réclame 28 millions en impôts impayés.

Un autre ancien cadre de SNC-Lavalin, Riadh Ben Aissa, a déjà été condamné en Suisse au sujet de la corruption en Libye. Outre M. Bebawi, le seul autre ancien cadre accusé personnellement dans le cadre des aventures libyennes de l'entreprise était Stéphane Roy, un ancien vice-président contrôleur qui a bénéficié d'un arrêt du processus.

PHOTO JOCELYN BERNIER, ARCHIVES LE SOLEIL

Me Jacques Larochelle (à droite).