Autre démonstration que le trafic d'héroïne à Montréal, qui était autrefois contrôlé par les mafias turque et italienne, est aujourd'hui éclaté, un club-école des Hells Angels, dont le réseau de trafic de stupéfiants a été démantelé ce matin par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en faisait maintenant lui aussi son pain et son beurre.

« Lorsque nous avons débuté l'enquête à la fin de l'an dernier, nous avons rapidement constaté que les gens impliqués étaient des membres des Minotaures, un club école des Hells Angels, et nous avons été surpris, car cette organisation n'est habituellement pas dans l'héroïne », affirme le commandant David Bertrand de la Division du crime organisé (DCO) du SPVM.

En septembre 2013, l'expert des motards de la Sûreté du Québec, Alain Belleau, déclarait en effet ceci devant la commission Charbonneau : « On n'a jamais vu une enquête avec les Hells Angels où il y avait du trafic d'héroïne. Il y a d'autres stupéfiants qui sont vendus, il y a d'autres stupéfiants qui sont contrôlés, mais l'héroïne puis les Hells Angels, ça ne va pas ensemble », avait dit l'enquêteur, en précisant qu'il y avait une interdiction de consommer et de toucher à l'héroïne dans les statuts et règlements des Hells Angels du Canada.

Les choses ont peut-être changé depuis. Sinon, l'explication vient peut-être du fait que les trafiquants présumés arrêtés ce matin sont membres d'un club école, et non pas des Hells Angels.

Toutefois, selon nos informations, au moins un membre influent des Hells Angels a été observé par les enquêteurs de la DCO durant l'enquête.

Puis il y a quelques jours, un ancien membre des Nomads d'Ottawa a été arrêté et relâché lors de la saisie de 100  000 comprimés de méthamphétamine dans la région de Granby effectuée dans le cadre de la présente enquête.

Une chose est sûre, les policiers associent les Minotaures, un club école créé en 2017 et vu quelques fois aux événements organisés par les Hells Angels, à cette organisation criminelle, et croient que les Minotaures versaient une taxe à leurs « grands frères » pour la location de leurs territoires pour la vente de stupéfiants.

Enquêteurs matinaux

Sur les coups de 5h ce matin, les enquêteurs de la DCO ont investi une douzaine de résidences surtout à Montréal, et à Laval, et ont arrêté treize personnes (au moment d'écrire ces lignes) parmi lesquels quatre membres des Minotaures (sur 12) dont leur chef présumé.

Dans un entrepôt situé sur le boulevard Henri-Bourassa, dans le nord-est de Montréal, les limiers ont également mis la main sur plus de 400  000 pilules de méthamphétamine et des produits d'huile de THC destinés aux vapoteuses.

La frappe de ce matin était la 4e phase de l'enquête baptisée Asterios. En cours d'enquête, les enquêteurs ont également saisi plusieurs vestes de Minotaures, des armes à feu -dont certaines automatiques-, de l'héroïne, de dix à 20 kilogrammes de cocaïne et de la poudre de MDA et de MDMA.

Les suspects devraient comparaître demain au Palais de justice de Montréal pour être accusés de plusieurs chefs reliés au trafic de stupéfiants.

Ils auraient écoulé leur marchandise particulièrement dans les secteurs d'Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont et l'est de Montréal. Ils auraient été présents dans d'anciens secteurs appartenant aux Syndicates, défunte organisation du chef de gang Gregory Woolley récemment condamné pour gangstérisme, et d'un réseau qui avait été démantelé dans l'opération Magot-Mastiff, en novembre 2015.

« Aujourd'hui, les territoires sont beaucoup moins définis qu'auparavant. Ce ne sont pas toujours des organisations qui ont des territoires précis. Mais c'est une organisation majeure. Ce sont des individus qui sont connus dans Hochelaga-Maisonneuve, qui ont un bon réseau de contacts. Il va y avoir un impact direct sur la rue et pour les groupes affiliés à ces gens-là », explique le commandant Bertrand.

L'enquête a débuté l'automne dernier, dans la foulée de surdoses de fentanyl survenues dans le secteur Hochelaga-Maisonneuve. Les enquêteurs ont ensuite élargi leur enquête à des routes de ventes de cocaïne et de méthamphétamine, jusqu'à la frappe finale de ce matin.

« Cette opération va servir à passer le message que nous ne lésinerons sur aucun moyen, aucune ressource dans la lutte au fentanyl. Peu importe le réseau, le type de criminels, nous allons nous en prendre aux gens qui vendent du fentanyl et nous allons prioriser ces dossiers », conclut le commandant Bertrand.

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