Les Hells Angels du Québec comptent un nouveau membre: Salvatore Brunetti, vu par les policiers en fin de semaine dernière arborant le logo complet du club de motard au dos de sa veste, lors d'une première randonnée en moto de la saison, à Notre-Dame-du-Mont-Carmel, en Mauricie. Au-delà de la simple arrivée d'un nouveau membre, l'ajout de Brunetti, qui a 66 ans de surcroît, est peut-être lourd de sens.

Brunetti n'est pas le dernier venu. Il a déjà été Hells Angels dans le passé, a quitté leurs rangs et a refait le processus pour retrouver ses couleurs. Mais surtout Brunetti a déjà été considéré par des sources policières pratiquement comme un membre de la mafia italienne de Montréal. «Il aurait même pu avoir sa propre famille, une offre en ce sens lui aurait été faite», nous a dit une source qui a requis l'anonymat.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, Brunetti est très proche de la mafia montréalaise, en particulier des deux Antonio, Vanelli et Mucci, associés depuis des lunes à la cellule calabraise ralliée aux Siciliens après la chute de la famille Violi.

Selon des sources, Brunetti a eu des intérêts dans le bar Sinatra où un attentat a fait un mort en juin 2016. C'est Antonio Vanelli qui était visé, mais le tireur a tué par erreur un client qui lui ressemblait un peu.

Durant l'enquête Magot, par laquelle la défunte Escouade régionale mixte (ERM) de Montréal a décapité le crime organisé montréalais en novembre 2015, Brunetti a été vu en compagnie de Stefano Sollecito, chef intérimaire du clan des Siciliens, au bar Romcafé de Laval, nouveau quartier général de la mafia montréalaise.

En octobre 2014, Brunetti participait, avec au moins une vingtaine de mafiosi, à une fête soulignant l'anniversaire de Stefano Sollecito dans un restaurant de Montréal lorsque les policiers de l'escouade Éclipse se sont invités, brisant un peu l'ambiance.

Tout mélangé

Depuis la mort naturelle du parrain Vito Rizzuto en 2013, la mafia, les motards et même les gangs de rue ont formé une alliance pour diriger le crime organisé. Malgré la frappe de novembre 2015, cette alliance est toujours bien vivante et se serait même accentuée. Les liens entre individus issus de groupes différents sont de plus en plus tricotés serrés et les lignes entre la mafia, les motards et les gangs de rue, de plus en plus diffuses. C'est à se demander si un jour, si jamais des conflits entre clans éclataient, les affinités entre individus ne seront pas plus solides que l'appartenance à un groupe criminel défini et que «les lignes de partis» ne seront plus suivies.

Le retour de Brunetti chez les Hells Angels est une autre démonstration de cette tendance. Mais en même temps, l'homme a peut être compris qu'il vaut mieux être associé aux motards, la plus importante organisation criminelle du Canada à l'heure actuelle selon la police, qu'à la mafia montréalaise, affaiblie par des luttes intestines depuis plus d'une décennie et véritable marmite prête à exploser à tout moment malgré l'accalmie des derniers mois.

L'âge vénérable de 66 ans auquel le vieux routier du crime enfourche de nouveau sa moto a de quoi étonner, mais ce n'est peut-être pas un simple hasard. Des sources nous disent que depuis la fin des procédures de SharQc, les Hells Angels purs et durs se sont réapproprié leur club, que la plus jeune génération serait plus dure et davantage dans une logique de provocation envers l'autorité et autres joueurs, que la plus vieille. Brunetti, qui est également proche de l'influent Hells Angels Salvatore Cazzetta,  pourrait donc devenir un allié naturel pour ses «frères» partisans de la négociation et du compromis.

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Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

Salvatore Brunetti

• Ancien membre des Devils Disciples

• En 1994, il fonde, avec d'autres ex Devils Disciples, le Dark Circle, formé d'une douzaine de trafiquants indépendants. Ceux-ci s'allient avec les Rock Machine et le clan Pelletier pour lutter contre l'invasion des Hells Angels sur leurs territoires respectifs. C'est le début de la guerre des motards.

• En 1996, il est arrêté par les membres de la fameuse escouade Carcajou et est condamné à quatre ans de pénitencier pour avoir comploté les meurtres de deux Hells Angels. Ceux-ci mettent un contrat de 100 000$ sur sa tête.

• En 2000, il s'avoue vaincu face aux Hells Angels. Ceux-ci lui offrent une veste, ainsi qu'à sept anciens Rock Machine et leurs prospects, pour éviter de voir le groupe ennemi international des Bandidos s'installer au Québec.

• Il est arrêté dans l'opération Printemps 2001 en mars de la même année et est condamné à trois ans l'année suivante.

• En 2006, il est de nouveau arrêté dans une frappe antidrogue.

• Il quitte les Hells Angels en 2009

• Il est de nouveau prospect des Hells Angels en 2017