Un voleur effronté a réussi à détrousser la multinationale montréalaise Future Electronics de 3,3 millions CAN en se faisant passer pour un de ses fournisseurs et en lui demandant par courriel de faire un paiement dans son compte, a appris La Presse. Le malfaiteur a par la suite disparu dans la nature.

Le géant des composants électroniques a refusé de discuter de l'affaire hier. Mais l'entreprise a été contrainte d'en exposer les grandes lignes dans une requête adressée à la Cour supérieure la semaine dernière, dans l'espoir de forcer son assureur à la rembourser.

Impossible de savoir si le voleur agissait seul ou en groupe. Selon les documents judiciaires déposés au palais de justice de Montréal, l'arnaque s'est toutefois étalée sur une longue période, d'octobre 2016 à janvier 2017.

C'est la division de Future Electronics à Singapour qui était visée. Le fraudeur avait visiblement bien étudié la situation de l'entreprise. Dans ses courriels, il se faisait passer pour un représentant d'Exar Corporation, fabricant américain de semi-conducteurs, qui est un important fournisseur de Future Electronics.

Le faux représentant d'Exar a demandé que le service comptable de Future Electronics lui paie ce que la multinationale lui devait.

Or, selon la requête déposée à la cour, Future Electronics avait bel et bien une dette envers Exar à ce moment-là. La demande était donc plausible.

Communiquant toujours par courriel, l'imposteur a fourni des numéros de compte dans «diverses banques asiatiques», selon la requête. Future Electronics affirme lui avoir versé 2,7 millions US, soit l'équivalent d'environ 3,3 millions CAN.

Ce n'est que le 3 février dernier que l'entreprise s'est rendu compte qu'elle s'était fait berner. Il était trop tard. L'argent avait disparu depuis longtemps.

Problème avec l'assureur



Si Future Electronics se retrouve aujourd'hui obligée de dévoiler ses déboires en cour, c'est parce que son assureur, CHUBB Canada, refuse de lui rembourser les 3,1 millions auxquels elle croit avoir droit en vertu de son assurance contre les fraudes informatiques.

Les communications avec le voleur se sont faites par courriel et les transferts bancaires ont été autorisés par voie électronique. Il s'agit donc d'une fraude informatique, affirme la multinationale. Mais l'assureur ne voit pas les choses du même oeil. Pour CHUBB, il s'agit d'un cas de fraude par «ingénierie sociale», dans laquelle un fraudeur trompe un employé avec une fausse preuve que ce dernier croit authentique.

La police d'assurance de Future Electronics lui donne bien droit à un dédommagement pour ce genre de fraude, mais celui-ci est d'à peine 50 000 $, a expliqué l'assureur dans un courriel qui a été produit en preuve.

Les parties se retrouveront devant le juge pour trancher l'affaire.

Tant la direction de Future Electronics que les porte-parole de CHUBB Canada se sont refusés à tout commentaire lorsque joints par La Presse.

Fondée à Montréal en 1968, Future Electronics est l'un des plus gros distributeurs de composants électroniques au monde. Son siège social se trouve toujours dans la métropole québécoise.

Son président, fondateur et actionnaire principal, Robert Miller, aujourd'hui âgé de 71 ans et résidant de Westmount, possède la 14e fortune en importance au Canada, avec des avoirs personnels évalués à 2,7 milliards selon le dernier palmarès de Forbes.