La poursuite annoncerait ce matin, au palais de justice de Montréal, son intention de cesser le processus judiciaire contre les 11 derniers accusés du projet Clemenza, une importante enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) menée contre la relève de la mafia montréalaise en 2010 et 2011.

Ces informations, qui n'ont toutefois pas été confirmées, sont parvenues à La Presse de plusieurs sources au cours des derniers jours.

Rappelons que le 21 mars dernier, la Couronne fédérale a abandonné les accusations de gangstérisme, trafic et importation de stupéfiants, possession d'armes, enlèvement et autres portées contre 36 individus arrêtés durant les deux premières frappes de l'enquête Clemenza, effectuée en 2014 et en 2015.

Le sort de 11 autres accusés, appréhendés dans la dernière phase de l'enquête en mai 2016 et faisant face principalement à des accusations de gangstérisme et de trafic de stupéfiants, était toujours incertain. Mais il semble qu'il sera scellé ce matin, pour les mêmes raisons que les abandons précédents.

Un bras de fer

La défense a poussé la poursuite dans ses derniers retranchements. Elle réclame depuis presque un an d'obtenir la preuve sur la technologie avec laquelle la police a identifié les appareils de type BlackBerry utilisés par les suspects lors de l'enquête et intercepté leurs messages textes cryptés. 

La divulgation de cette technologie serait très sensible; elle aurait été mise au point aux États-Unis et serait utilisée dans la lutte contre le terrorisme. La position de la poursuite est d'autant plus compliquée qu'un juge de la Cour supérieure a accueilli une requête de la défense pour obtenir cette preuve en 2015.

La poursuite a repoussé la divulgation demandée par la défense à six reprises depuis septembre 2016. «C'est très compliqué», a dit la procureure Nancy Perreault lors de la dernière audience, en mai dernier. «Il s'agit d'une poursuite qui suscite des questions juridiques complexes et sans précédent», avait indiqué sa collègue, Me Sabrina Delli'Fraine, en mars précédent.

Enquête damnée

L'enquête Clemenza a été lancée en 2010 contre les clans de la mafia montréalaise qui commençaient à prendre de l'ampleur en raison de l'affaiblissement du clan des Siciliens, étrillé lors de l'opération Colisée effectuée en novembre 2006.

Elle allait bon train et aurait pu obtenir des résultats encore plus significatifs que Colisée lorsqu'est survenu le meurtre de l'aspirant parrain Salvatore Montagna, à Charlemagne, en novembre 2011.

Les enquêteurs de la GRC, qui possédaient les échanges de messages compromettants entre les suspects de ce meurtre, Raynald Desjardins et ses complices, ont dû remettre cette preuve à leurs collègues de la Sûreté du Québec, qui avaient le mandat d'élucider l'assassinat de Montagna. La divulgation de la preuve devant les tribunaux contre Desjardins et ses complices a éventé et torpillé l'enquête Clemenza, contraignant ses enquêteurs à mener des frappes séparées en 2014, 2015 et 2016.

Au total, une soixantaine d'individus ont été arrêtés durant les trois phases de l'enquête Clemenza. Une dizaine ont plaidé coupable et ont reçu une peine. Les enquêteurs avaient saisi plus de 300 kg de cocaïne, 2 millions de dollars et plusieurs armes durant cette enquête majeure.

Le plus connu des individus qui bénéficieraient d'un arrêt du processus judiciaire ce matin est Marco Pizzi, considéré comme un importateur de cocaïne par la police. Pizzi a été victime d'une tentative de meurtre à l'été 2016, et plusieurs de ses biens ont été la cible d'incendies criminels à l'automne et à l'hiver derniers.